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Harcèlement scolaire : après la journée nationale, le combat se poursuit à l'échelle locale

La sensibilisation des élèves de Nanteuil-lès-Meaux au harcèlement scolaire a libéré la parole de certains enfants, selon le maire. [Unsplash/Taylor Flowe]

Après la journée nationale de lutte contre le harcèlement à l'école, le 10 novembre dernier, la mobilisation se poursuit à l'échelle locale et sur le long terme.

La lutte contre le harcèlement scolaire est un combat de chaque instant qui se mène aussi au niveau local. Une semaine après la journée nationale dédiée, la ville de Nanteuil-lès-Meaux (Seine-et-Marne) inscrit sa mobilisation dans la durée. La municipalité a non seulement décidé de former ses agents du périscolaire à cette problématique, mais a aussi imaginé divers événements pour sensibiliser l'ensemble des administrés.

Stéphane Giardina, responsable culture-enfance-jeunesse, raconte avoir organisé «un cross» et une pièce de théâtre sur le thème du harcèlement scolaire. La projection d'un film est également prévue en présence d'un psychologue et des interventions de sensibilisation ont eu lieu dans les classes de CM2.

Pour mener à bien ce projet, la municipalité s'est fait aider par l'association Marion la main tendue. Elle a été fondée en 2014 par Nora Fraisse, dont la fille, Marion, s'est suicidée en 2013 à l'âge de 13 ans, parce qu'elle était victime de harcèlement scolaire. L'association, qui intervient sur tout le territoire et gère des lieux refuges appelés Maisons de Marion, s'occupe également de la formation des professionnels de l'enfance.

En octobre dernier, Nora Fraisse a présenté aux équipes de Nanteuil-lès-Meaux «toute une procédure d'intervention» à adapter en fonction des cas», se souvient Stéphane Giardina. Elle a conseillé aux animateurs de fonctionner en binômes, leur expliquant qu'ils pouvaient être «plus ou moins aptes à détecter le harcèlement scolaire» selon leur personnalité et leur histoire personnelle.

«Nous avons aussi mis en place un cahier de suivi destiné à repérer certains schémas de répétition, poursuit le responsable culture-enfance-jeunesse. Parce que de petits événements qui paraissent anodins peuvent parfois traduire un harcèlement, notamment s'ils deviennent récurrents.»

Coralie, qui élève seule son fils de 12 ans, aurait aimé qu'il puisse bénéficier d'un encadrement similaire à celui proposé à Nanteuil-lès-Meaux. Victime de rejet et de violences depuis le CP, le jeune garçon a connu trois écoles successives avant d'être descolarisé en octobre 2019, alors qu'il était en CM1.

«Un lieu de souffrance»

Depuis février il est suivi et accompagné dans une Maison de Marion, mais sa mère est visée par une enquête des services sociaux. «On me dit que l'école est obligatoire mais si je le force à y aller, je sais où je l'emmène, s'émeut Coralie. Je sais que c'est dans un lieu de souffrance, un lieu où on le détruit.»

La mobilisation des professionnels de l'enfance à l'échelle locale est donc un élément clé de la lutte contre le harcèlement scolaire. Mais selon Régis Sarazin, le maire de Nanteuil-lès-Meaux, il n'est pas toujours facile de savoir à qui s'adresser. Lui-même avait eu vent de cas de harcèlement dans ses écoles mais se sentait plutôt démuni face au problème.

«L'Education nationale nous laisse nous débrouiller, critique-t-il. Il nous fallait trouver une solution pour être à la source de ces événements et les déceler le plus vite possible». La sollicitation du tissu associatif lui est apparu comme une réponse adéquate, mais là encore tout n'est pas si simple.

L'association Marion la main tendue, qui est intervenue dans cette commune de Seine-et-Marne, se dit en effet victime d'un sérieux manque de moyens qui risque de l'obliger à «réduire très fortement la prise en charge». Nora Fraisse, la présidente-fondatrice, fait état d'une augmentation de la demande de 150%, avec 300% d'appels téléphoniques en plus, alors même que les dotations ont diminué de 30% entre 2021 et 2022.

«Le message passe»

Elle qui prévoyait d'ouvrir 15 Maisons de Marion au total, réparties partout en France, en reste finalement à deux. Le budget de 3,6 à 4 millions d'euros, soit 30 centimes par élèves et par an, qu'elle avait soumis à Emmanuel Macron pour «éradiquer le harcèlement scolaire» n'a pas été validé.

Aujourd'hui, les Maisons de Marion peuvent continuer à accompagner les familles parce qu'un partenaire privé, Head & Shoulders, a accepté de financer 400 heures de prise en charge. Nora Fraisse regrette de ne pas pouvoir faire plus.

«Je ne suis pas présidente de la République, je ne suis pas Wonder Woman, je suis une maman endeuillée. Les gens oublient qu'à la base ma fille est morte et que j'ai tenté de la sauver. C'est pour ça que le mépris qui est exercé à l'égard de ce combat, je ne l'accepte plus. Si ça doit s'arrêter, il ne faudra pas me demander pourquoi».

Cette situation est source de «colère» pour Coralie, qui vit ses séances de thérapie à la Maison de Marion comme une «bulle d'oxygène». «Le gouvernement ne se rend pas compte à quel point le harcèlement scolaire détruit, lâche-t-elle. Comment peut-on se construire dans le rejet et la violence ? Comment vont grandir ces enfants ? Il faut se réveiller pour faire en sorte qu'ils deviennent des adultes qu'on n'a pas laissé tomber».

L'Etat ne doit pas avoir «la main qui tremble», confirme Régis Sarazin. Saluant le travail «impressionant» des associations, le maire de Nanteuil-lès-Meaux se réjouit d'avoir senti la parole se libérer parmi les enfants de sa commune et assure que, localement, «le message passe».

«Il n'est pas si simple d'appréhender un phénomène comme le harcèlement scolaire, souligne-t-il. Il n'y a rien de mieux qu'une expérience de terrain, aussi dramatique soit-elle, pour apprendre aux autres. Le vécu est un vecteur qui permet de parler à tout le monde».

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