Dans son édito de ce vendredi 21 octobre, Agnès Verdier-Molinié, directrice de la fondation IFRAP, se penche sur les chiffres des OQTF (Obligations de quitter le territoire français, ndlr).
Clairement, les chiffres ne sont pas bons, voire même très mauvais. En 2012, on constatait 18.000 reconduites à la frontière pour 88.000 OQTF prononcées soit un taux de 22%. Presque dix ans plus tard, le taux est catastrophique.
On aurait pu penser que 2020 était la pire année avec le confinement et un taux de 7%, mais les chiffres que nous avons pour le premier semestre 2021 seraient encore pires. En 2021, le taux d’application réelle des OQTF serait seulement de 5,7%. 3.500 reconduites effectives sur plus de 61.000 OQTF notifiées. Difficile de dire quel est ce taux pour la totalité de l’année, car nous n’avons pas encore les données. En clair, le taux d’application a été divisé par trois en 10 ans !
Certes les OQTF sont contestées, les pays d’origine ne veulent pas du retour de leurs ressortissants qui sont souvent des délinquants, mais cela n’excuse pas ces mauvais chiffres. Car, dans les années antérieures c’était la même chose et on arrivait à de meilleurs taux d’exécution.
D’ailleurs, les statistiques d’interdiction du territoire français affichent de meilleurs résultats puisque le taux en 2021 est de 75% réalisés - 679 sur 905 - donc c’est possible de faire respecter en France ce genre de décision.
Un manque de places en CRA ?
En 2023, la capacité immobilière des CRA (centres de rétention administrative) serait portée à 1.961 places avec la livraison du CRA d’Olivet (90 places) et l’extension du CRA de Perpignan (12 places). Un objectif néanmoins moins bon que celui anticipé pour 2023 dans le PLF 2022 qui avait un objectif de 2.099 places. Le budget 2023 est donc inférieur de 138 places.
Mais il n’est pas difficile de comprendre que 1.961 places pour environ 100 000 OQTF par an, cela ne suffit pas. Ce, d’autant plus que les places de CRA ne sont utilisées que si la personne a des antécédents judiciaires – pour ceux qui n’en ont pas, on attend en gros qu’ils partent par leurs propres moyens dans les délais prescrits.
Il semble qu’il y ait une grosse hypocrisie sur ce sujet, une hypocrisie budgétaire. La mission Immigration, asile et intégration voit en 2023 ses crédits augmenter de 6%, passant à 2,01 milliards. Mais quand on regarde plus spécifiquement les frais d’éloignements des migrants en situation irrégulière, les montants représentent seulement 44,13 millions.
Il faut reconnaître que c’est en augmentation de +20,8% par rapport à l’année passée, mais cela permettrait, selon nos évaluations, de faire respecter seulement 20 000 OQTF. On serait donc encore loin très loin du taux d’exécution à 100% !
La solution : pourquoi ne pas placer les attributaires d’OQTF sous bracelets électroniques durant le délai de départ volontaire légal avec, en cas de dépassement, placement d’office en CRA ?