Les deux entreprises Frichti et Gorillas – dont les locaux sont communément appelés «dark stores» – ont remporté une première bataille judiciaire contre la municipalité parisienne, avec la suspension de 9 procès-verbaux d'infraction au Code de l'urbanisme. Cette dernière a annoncé ce vendredi 7 octobre se pourvoir en cassation.
Un premier pas vers la légalisation de leur activité. Le tribunal administratif de Paris vient cette semaine de suspendre par référé 9 PV d'infraction adressés par la municipalité parisienne aux deux entreprises Frichti et Gorillas, leur reconnaissant un «intérêt collectif».
Entrepôts ou simples espaces de logistique ?
La semaine dernière, les quatre premières astreintes administratives avaient pourtant été envoyées aux deux groupes, sommés par la justice de remettre «dans leur état d'origine» les locaux dans lesquels ils s'étaient installés, sous peine de devoir s'acquitter d'amendes de 200 euros par jour.
Oui, mais voilà, la justice en a décidé autrement. Pour la juge des référés du tribunal administratif, ces locaux présentent en effet «un intérêt collectif» dans la mesure où ils permettent «d'optimiser en milieu urbain le délai et le mode de livraison» et donc de «diminuer le trafic de camions et le nombre de points de livraison dans Paris intra-muros».
«Le juge des référés a estimé qu'il existait un doute sérieux quant à la qualification des locaux de Frichti et Gorillas, car ceux-ci pourraient être qualifiés d'"espaces de logistique urbaine" qui, contrairement à la destination d'entrepôt, n'est pas interdite par le PLU de Paris dans le cadre de la transformation de locaux existants en rez-de-chaussée sur rue», a réagi Gorillas dans un communiqué.
«Le juge a indiqué que les locaux exploités par Frichti et Gorillas sont destinés à la réception et au stockage ponctuel de marchandises [...], à la mise à disposition de ces commandes aux livreurs à bicyclette, que l'entreposage des marchandises est voué à être temporaire, dès lors que la stratégie de vente [...] repose notamment sur la fraîcheur des produits», s'est encore félicité Gorillas.
«Mauvaise nouvelle» pour la mairie
Une «mauvaise nouvelle dans notre combat contre les "dark stores"», a déploré Emmanuel Grégoire, le premier adjoint à la mairie de Paris chargé de l'urbanisme, qui se bat depuis plusieurs mois pour éviter que les «dark stores» s'installent n'importe où dans Paris, notamment dans des quartiers résidentiels du centre-ville de la capitale.
A ce sujet, l'élu socialiste avait déjà expliqué son parti pris de défendre la politique mise en place par la municipalité : «c'est un modèle qui va à l'encontre de la vision qu'on a de la ville, alors qu'on essaie de tout faire pour garder nos petits commerces et dynamiser nos cœurs de ville». «Personne ne pourra les interdire, mais c'est un pari complètement idiot», avait-il estimé, qualifiant ce système d'«escroquerie» avec des délais de livraison promis en moins de quinze minutes «intenables».
Un modèle économique «pas rentable» selon lui, qui ne tient que sur l'effet de masse. Et dont les limites se font déjà sentir, alors que sur 150 «dark stores» présents à Paris au pic de leur activité, il n'en restait que «80 à 100 aujourd'hui», dont certains ont fermé «sous l'effet du marché, avec des faillites et des rachats».
De son côté, l'association des grandes villes France urbaine a assuré ne pas partagé «la vision théorique du tribunal administratif de Paris concernant les "dark stores"». «La Ville de Paris fait le choix de se pourvoir en cassation. France urbaine la soutient dans sa démarche car le risque de jurisprudence est réel», a-t-elle fait savoir ce vendredi.
La légalisation des «dark stores», c'est justement ce qui inquiète la municipalité parisienne, qui veut à tout prix éviter leur prolifération et se sentait protégée depuis le 6 septembre dernier, date à laquelle la ministre déléguée au Commerce Olivia Grégoire avait confirmé que les «dark stores» seraient bien «considérés en termes de sous-destination comme des entrepôts, qu'il y ait ou pas un point de retrait».
Un arrêté devait venir confirmer ça, mais se fait toujours attendre. De fait, «le tribunal administratif ne s'est pas appuyé sur un arrêté qui n'est pas sorti», a pointé Emmanuel Grégoire, qui a regretté une «décision aberrante sur le plan du droit». Pas question pour autant de s'arrêter là selon le premier adjoint qui souhaite poursuivre l'instruction des procès-verbaux «malgré le flottement juridique».