La municipalité parisienne l'avait annoncé. Alors que 47 procédures judiciaires sont désormais engagées contre les «dark stores» – ces entrepôts d'où sont livrés des produits de supermarché en un temps record – les premières amendes ont commencé à tomber ce mercredi 28 septembre.
Cette semaine, les toutes premières amendes ont été envoyées aux «dark stores» parisiens qui ne respectent pas le Plan local d'urbanisme (PLU), c'est-à-dire qui se seraient installés illégalement dans des locaux commerciaux. C'est le fruit d'un travail initié il y a près d'un an par la municipalité parisienne, qui a «dès l'apparition du phénomène» souhaité lutter contre la prolifération de ces entrepôts aux pieds des immeubles parisiens.
La concrétisation d'un processus très long
Au total, «47 procédures judiciaires ont été engagées» contre autant de «dark stores» jugés illégaux par la municipalité, «dont 24 sont en cours [de traitement]», nous apprend ce mercredi Emmanuel Grégoire. Celui qui n'est autre que le premier adjoint à la mairie de Paris chargé de l'urbanisme explique que c'est la concrétisation d'un processus très long lancé au début de l'année 2022 qui portait «deux objectifs : déclencher une procédure judiciaire d’infraction au Code de l’urbanisme et établir un procès-verbal».
Concrètement, cela signifie que les toutes premières lettres recommandées faisant état d'un procès-verbal ont été envoyées aux «dark stores» jugés illégaux : en l'occurence à deux entrepôts Flink, situés l'un au 38/40 rue Le Peletier (9e) et l'autre au 28 rue Brunel (17e), et pour lesquels le groupe allemand sera astreint à payer une amende de «200 euros par jour» pour chacune de ces deux adresses, à compter de la date de signature du recommandé.
Des amendes – appelées «astreintes administratives» – qui doivent également être envoyées cette semaine à deux autres «dark stores», l'un appartenant au groupe français Frichti situé au 27 rue de la Vistule (13e) et l'autre au groupe allemand Cajoo (racheté en mai 2022 par son concurrent allemand Flink) situé au 56/58, rue Rémy Dumoncel (14e), astreints eux aussi à payer des amendes d'«au moins 200 euros par jour».
Une annonce qui a le goût de la victoire pour Emmanuel Grégoire, qui a bien cru cet été perdre le combat contre les «dark stores», alors qu'un projet d'arrêté ministériel dans lequel il était question de légaliser les «dark stores» en les incluant à la catégorie des «commerces» a été rendu public. Dans ce texte, la seule condition à remplir pour ces «quick commerces» : posséder un point de retrait, aussi appelé point de collecte ou drive piéton.
Un arrêté qui a finalement été écarté début septembre, lorsque la ministre déléguée au Commerce, Olivia Grégoire, a confirmé – lors d'une réunion de consultation organisée pour calmer l'inquiétude de nombreuses municipalités face à ce phénomène – que les «dark stores» seraient bien «considérés en termes de sous-destination comme des entrepôts, qu'il y ait ou pas un point de retrait», mettant ainsi fin à la polémique lancée mi-août lors de la divulgation dudit projet d'arrêté.
Des commerces de bouche à défendre
«J'ai eu peur que l'arrêté sorte», admet Emmanuel Grégoire ce mercredi, qui rappelle que tant que les «dark stores» pensaient «pouvoir gagner la bataille», ces derniers «se moquaient» bien des injonctions de la Mairie de Paris. Mais pour l'élu socialiste, il s'agit surtout de défendre la politique mise en place par la municipalité : «c'est un modèle qui va à l'encontre de la vision qu'on a de la ville, alors qu'on essaie de tout faire pour garder nos commerces de bouche et dynamiser nos cœurs de ville».
En attendant de voir si les premières amendes vont pousser ces groupes à fermer leurs adresses, le premier adjoint ne leur prédit pas un bel avenir. «Personne ne pourra les interdire, mais c'est un pari complètement idiot», estime l'élu, qui parle d'«escroquerie» avec des délais de livraisons promis en moins de quinze minutes «intenables».
Un modèle économique «pas rentable» selon lui, soulignant que 150 «dark stores» présents à Paris au pic de leur activité, il n'en restait que «80 à 100 aujourd'hui», dont certains ont fermé «sous l'effet du marché, avec des faillites et des rachats».