La Cour de justice de la République (CJR) a décidé de renvoyer en procès Éric Dupond-Moretti, mis en examen au cours du mois de juillet 2021 pour prises illégales d’intérêts. Les avocats du ministre de la Justice ont formé un pourvoi en cassation.
Accusé d’utiliser sa position de garde des Sceaux pour régler des contentieux personnels, l’ancien ténor du barreau Eric Dupont-Moretti est renvoyé devant la Cour de justice de la République.
Il s’agit d’une grande première : si depuis sa création en 1993, huit ministres et deux secrétaires d’État ont été renvoyés devant la CJR, aucun ne l’a été alors qu’il exerçait encore ses fonctions au gouvernement.
Le ministre de la Justice était convoqué à 9h devant la commission d’instruction de la CJR, seule habilitée à juger les membres du gouvernement pour des crimes ou délits commis dans l’exercice de leur mandat.
pourvoi en cassation
Les deux avocat d'Eric Dupond-Moretti ont indiqué avoir «immédiatement» formé un pourvoi en cassation.
Selon Me Rémi Lorrain, il appartient «désormais à l'assemblée plénière de la Cour de cassation de se saisir de ce dossier» avec une nouvelle décision sur l'ensemble de la procédure, «et de se prononcer notamment sur les nombreuses irrégularités qui ont émaillé ce dossier depuis deux ans».
Le pourvoi n'annule pas le renvoi, mais en suspend les effets. Selon une source proche du dossier interrogée par l'AFP, il n'est pas possible de dire à ce jour à quelle échéance la Cour de cassation rendra sa décision.
Deux dossiers sensibles
Dans le détail, des plaintes de syndicats de magistrats et de l’association anticorruption Anticor accusent le garde des Sceaux d’avoir profité de sa fonction pour ordonner une enquête administrative contre trois magistrats du Parquet national financier en septembre 2020.
Ces derniers avaient fait éplucher ses factures téléphoniques détaillées quand il était encore avocat au barreau, dans le but de débusquer une éventuelle taupe qui aurait informé Nicolas Sarkozy qu’il était sur écoutes dans l’affaire de corruption dite «Paul Bismuth».
Éric Dupond-Moretti est également accusé d’avoir diligenté des poursuites administratives contre un ancien juge d’instruction détaché à Monaco, Edouard Levrault, qui avait mis en examen un de ses ex-clients.
Tout au long de l’enquête, Éric Dupond-Moretti a répété n’avoir fait que «suivre les recommandations de son administration». Un argument qui n’a pas convaincu le ministère public, qui a requis un procès contre le ministre. Le procureur général avait alors jugé qu’il existait des «charges suffisantes» à son encontre pour qu’il soit jugé.