Un air de déjà-vu. En se qualifiant pour le second tour de l’élection présidentielle 2022, Emmanuel Macron (27,9%) et Marine Le Pen (23,3%) vont rejouer le face-à-face de 2017. Cinq ans plus tard, tout indique que le duel ne se déroulera pas de la même façon.
De l’avis de tous, l’entre deux tours de Marine Le Pen avait été désastreux en 2017 (elle avait finalement obtenu 34% des votes). Avec, en point d’orgue de ce rendez-vous manqué, le débat du 3 mai. Le terme de «fiasco» a même été évoqué dans les médias. Depuis, la candidate du Rassemblement national a elle-même fait son mea culpa, reconnaissant une préparation insuffisante, une «erreur stratégique» et assumant «intégralement la responsabilité de ce qui s’est passé».
En 2022, la donne sera différente, assure-t-elle. «Je suis prête personnellement et politiquement», assurait-elle déjà au Figaro, avant le premier tour. «Je n’aborde pas cette élection présidentielle dans le même état d’esprit qu’il y a cinq ans. Je suis au bout d’une forme de maturité, d’un parcours commencé il y a vingt ans. J’ai 53 ans. J’ai acquis une expérience». Marine Le Pen affirme aussi qu’Emmanuel Macron ne pourra plus s’appuyer sur l’effet nouveauté qui l’avait porté et devra lui faire face avec ses cinq ans de bilan, «contestés par des millions de Français».
Rejet d’Emmanuel Macron, réserve de voix... des armes nouvelles pour Marine Le Pen
Alors qu’il est communément admis que le premier tour sert à choisir son candidat et le second à éliminer celui qui convient le moins, Marine Le Pen pourra s’appuyer cette année sur le rejet d’Emmanuel Macron. Une arme qu’elle n’avait pas en 2017 et qui devrait être sa principale cette année. Gilets jaunes, mécontents de la gestion de la crise Covid, personnes au pouvoir d’achat en baisse... Les rangs des opposants au président sortant sont en effet fournis.
La candidate RN pourra aussi s’appuyer cette fois sur une réserve de voix, via l’électorat d’Eric Zemmour (qui a obtenu 7,1% des voix au premier tour). Ses électeurs devraient en effet reporter leur vote en grande majorité vers elle, anticipe Bruno Jeanbart, politologue et vice-président d’OpinionWay. En y ajoutant ceux, moins nombreux mais qui compteront aussi, de Nicolas Dupont-Aignan (2%), de la frange dure des Républicains et pourquoi pas de certains soutiens de Jean-Luc Mélenchon souhaitant à tout prix battre le président sortant, l’addition peut faire miroiter un score conséquent dans deux semaines.
Une dédiabolisation à conserver
Reste que Marine Le Pen devra aussi faire attention à ne pas chasser trop ouvertement dans le camp Zemmour. «Cela contribuerait à rendre moins visible le caractère plus modéré qu’elle s’est donnée et l’image dédiabolisée qu’elle a obtenu grâce à lui durant la campagne», prévient Bruno Jeanbart. Si elle espérait sans doute «qu'il appelle à voter pour elle, je ne suis pas sûr qu'elle soit très preneuse d'images où elle serait à la tribune à côté de lui», confirme Bruno Cautrès, politologue au CNRS et au Cevipof de Sciences Po.
Cette nouvelle image lissée de Marine Le Pen sera un enjeu majeur pour les troupes d’Emmanuel Macron, qui devraient sans aucun doute insister sur le fait qu’elle reste une candidate d’extrême droite. Face à la défiance d’une grande partie des Français (sept sur dix indiquaient avant le premier tour vouloir changer de président), le chef de l’Etat sortant devrait une nouvelle fois bénéficier de la peur du Rassemblement national pour appeler à faire bloc autour de lui.
Séduire la gauche, un enjeu pour Emmanuel Macron
Il devrait, avec ses proches, demander le soutien de la droite modérée, mais aussi et surtout de la gauche. Lors de son meeting du 2 avril à La Défense, il avait ainsi repris le slogan de Philippe Poutou «nos vies valent plus que tous les profits» à son compte, avant de défendre l’égalité, de dénoncer les milliards accumulés par certains quand d’autres s’enferment dans la pauvreté, ou encore de pointer ceux qui cherchent à diviser la société. Des premières graines semées en direction de cet électorat «social-démocrate (…), en passant par les écologistes», qu’il avait appelé à le rejoindre.
Marine Le Pen comme Emmanuel Macron, chaque finaliste a donc désormais ses cartes entre les mains, qu’il faudra jouer au plus juste pour tenter de séduire le maximum de Français, dimanche 24 avril.