Alors qu'une récente étude fait état de plus de 60 «dark stores», de 57 «drives piétons solos» et d'au moins 30 «dark kitchens» implantés à Paris, les élus souhaitent prendre des mesures pour encadrer l'expansion de ces entrepôts dédiés à la livraison ultrarapide de nourriture et de produits de consommation générale. La Ville a annoncé ce lundi avoir demandé «la fermeture de 45 "dark stores" illégaux».
Deliveroo, Frichti, Uber Eats, Glovo, Zapp, Flink, Gopuff, Gorillas, Getir, Cajoo... Autant d'opérateurs convoqués ce lundi par Emmanuel Grégoire, à la Mairie de Paris. Déjà proactif sur le sujet, le premier adjoint chargé de l'urbanisme a rappelé les règles relatives au Plan local d'urbanisme (PLU) à ces opérateurs qui les ont – à peine installés – «étrangement déjà oubliées».
«Sur 65 dark stores qui ont été instruits» par les services de l'urbanisme de la mairie à la suite de remontées d'informations de Parisiens, «45 sont illégaux», a ainsi annoncé Emmanuel Grégoire à l'AFP. Ces «dark stores» sont considérés par la mairie et les services de l'urbanisme comme des entrepôts, alors que les locaux dans lesquels ils ont été installés sont le plus souvent des locaux commerciaux.
Un rappel à l'ordre nécessaire, alors qu'aujourd'hui, selon l'élu, «aucune loi ne permet de réguler directement les dark stores». Le premier adjoint s'était dailleurs dit prêt à «prendre les mesures nécessaires» afin de «faire respecter» les règles «aux enseignes qui n'auraient pas demandé l'autorisation d'implanter un entrepôt», dans une tribune diffusée le 19 décembre dernier. Et avait alors promis «de lourdes conséquences financières et pénales pour les récalcitrants».
«"Drives piétons", "dark stores" et "dark kitchens" constituent un nouvel écosystème de la distribution alimentaire en centre-ville, complémentaire ou concurrent des magasins et restaurants qui animent les rues des quartiers parisiens», a récemment constaté l'Apur (Atelier parisien de l'urbanisme), qui a comptabilisé le nombre de "pas-de-portes" détenus par une dizaine d'opérateurs, souvent étrangers, qui surfent depuis la pandémie sur l'explosion des livraisons à domicile.
L'Etat interpellé à ce sujet
Pour la députée de la 11e circonscription de Paris et présidente du groupe des élus MoDem, Démocrates et Ecologistes au Conseil de Paris, Maud Gatel, c'est désormais le rôle des pouvoirs publics de «renforcer les dispositions existantes pour édicter un cadre clair et équitable nécessaire à un développement soutenable de l’activité» de ces acteurs «notamment en matière sociale et environnementale» et «prévenir les externalités négatives engendrées» par l'explosion de cette activité.
«Sur les 60 "dark stores" parisiens, 14 se situent sur un tronçon de voie protégée au titre de la protection du commerce et de l’artisanat et 23 % d’entre eux s’inscrivent dans des linéaires commerciaux protégés. 75 % des "drive piétons" non accolés à un magasin physique sont localisés sur ces linéaires commerciaux protégés. Parmi les "dark kitchens" recensées par l’Apur, 40 % se situent dans une zone soumise à une protection commerciale au titre du Plan local d’urbanisme de Paris», a-t-elle ainsi déploré dans une proposition de résolution déposée à l'Assemblée nationale à ce sujet.
Une proposition de résolution qui n'a pas, selon Maud Gatel, pour objectif «d’entraver le développement d’un service qui répond à l’évolution des modes de consommation», mais avant tout «de fournir un cadre juste et équitable, mieux-disant d’un point de vue social et environnemental parlant pour les entreprises du secteur, leurs concurrents mais aussi pour les travailleurs et les consommateurs».
Pour celle qui est également conseillère déléguée à l’économie circulaire et collaborative auprès du maire du 15e, il s'agit donc de «mener une réflexion» pour donner une définition précise de ces entreprises de livraison alimentaire à domicile qui ne sont, selon elle, «aujourd’hui ni considérées comme des commerces et activités de service, ni comme d’autres activités des secteurs secondaire ou tertiaire» et de leur imposer notamment «une convention collective spécifique et des obligations».
Un avis partagé par Emile Meunier, élu parisien, membre du groupe des Ecologistes au Conseil de Paris, qui assure que «la plupart des "dark stores" enfreignent les règles d’urbanisme de Paris». Lui parle «d'entrepôts déguisés», qui à ce titre n'ont pas l'autorisation de «s'installer dans les immeubles d’habitation ou à la place de commerçants». Selon lui, il faudrait donc «sanctionner et fermer les entrepôts illégaux».
Une problématique qui pourrait bien être débattue au prochain Conseil de Paris, prévu du 22 au 25 mars prochain, alors que le groupe des élus écologistes a déjà fait part de son ambition de déposer un vœu à ce sujet.