Faire ses courses deviendrait-t-il aussi simple que de commander une pizza ? Dopé par la crise sanitaire, le développement des dark stores se fait à grande vitesse à Paris.
Ces entrepôts uniquement dédiés à la livraison à domicile pour les courses du quotidien sont déjà plus d’une dizaine dans la capitale. Et ce n’est qu’un début.
Dija, Cajoo, Gorillas… la course est lancée entre les différents acteurs pour s’imposer sur le marché ; il était encore déserté il y a quelques mois. Et pour cela, tout est question de rapidité : il faut pouvoir livrer une commande de courses en moins d’un quart d’heure.
Pour y arriver, ces dark stores s’appuie sur une organisation bien huilée. Aussitôt la commande passée via une appli, un opérateur présent dans l’entrepôt (ou hub) à proximité reçoit une liste de courses sur un écran de type téléphone portable mais uniquement dédié à la logistique. Un algorithme aura défini un parcours optimal afin de ne pas perdre de temps dans les allers et retours dans les rayons. Une fois le sac rempli, il revient à l’accueil et le transmet à un livreur à vélo qui a déjà pris connaissance du trajet. Résultat : le client reçoit chez lui sa liste de courses en moins de 10 minutes en moyenne.
« C’est dans la tendance "je me commande un VTC et je le trouve en 5 minutes". C’est presque une absurdité de devoir rester dans une logistique contraignante de panier minimum ou de délai de livraison de plus d’une heure. Nous faisons sauter toutes ces barrières » explique Henri Capoul, président cofondateur de Cajoo.
Sa start-up française, qui vient de réaliser une levée de fonds de 6 millions d’euros, est déjà bien implantée : 9 ouvertures au compteur dont la toute dernière à Lille. Avec un panier moyen de 20 à 30€, chaque hub enregistre plusieurs centaines de commandes par jour.
Coté produits, les dark stores ont en moyenne un peu moins de 2000 références. C’est deux à trois fois inférieur à ce que contient un supermarché de quartier. Pourtant, on y trouve de tout.
Pour se démarquer, Cajoo propose de fruits et légumes de petits producteurs ou encore des produits uniquement disponibles sur Internet à l’instar des conserves artisanales de La falaise qui rougit. Mais il y a aussi dans les rayons les pâtes de marques traditionnelles ou des desserts lactés au chocolat bien connus.
Le choix est simplement moins vaste dans certaines gammes. « On va proposer autant de catégories de produits, en revanche la profondeur va varier. Par exemple, pour tout ce qui concerne des moments de convivialité comme l’apéro, le petit déjeuner ou le dîner, le choix va être large. Pour ce qui relève de l’hygiène, nous sommes dans le dépannage, donc nous aurons moins de références. » explique Henri Capoul.
Pour l’heure, les dark stores ne se voient pas comme des concurrents avec la grande distribution classique. A elle les grandes courses mensuelles pour faire les réserves de lessive et d’huile, à eux les courses de dernières minutes pour se préparer un dîner quand le réfrigérateur est vide.
Mais les grandes enseignes ne voient pas forcément d’un bon œil cette nouvelle concurrence qui débarque. Elles n’ont pas attendu pour se convertir, elles aussi, aux dark stores. Dans Paris, Monoprix possède deux entrepôts uniquement dédiés à la vente sur Amazon. L’un d’entre eux fait 1300m2, sous terre, dans l’ancienne gare des Gobelins dans le 13e arrondissement. Mais les délais de livraison sont d’un autre ordre : « au maximum dans les deux heures qui suivent leur achat ».
Si la pandémie a clairement contribué à l’essor de ce type de commerce, les experts estiment que ce mode de consommation est appelé à perdurer, voire à se généraliser. Le marché de la livraison à domicile, estimé à 500 millions d'euros en France (Kantar), pourrait bondir sous peu. En revanche, à l’image des trottinettes électriques, il risque d’y avoir de la casse parmi ceux qui s'élancent sur ce créneau prometteur.