La troisième fois sera-t-elle la bonne ? Jean-Luc Mélenchon, 70 ans, déjà candidat à la présidentielle en 2012 et 2017, est une nouvelle fois prétendant à l’Élysée. L’Insoumis, fort de plus de quarante ans d’expérience politique, espère toujours, malgré la dégringolade de la gauche dans les sondages, rassembler les Français autour de son projet.
Une jeunesse engagée
Né à Tanger, au Maroc, en 1951, d’une mère institutrice et d’un père employé des Postes, télégraphes et téléphones (PTT), Jean-Luc Mélenchon a fait très tôt ses premières armes politiques. Il rejoint la France en 1962, après le divorce de ses parents, et devient meneur lycéen en mai 1968 dans sa ville de Lons-le-Saunier (Franche-Comté). Déjà leader dans l’âme, il fédère les lycéens et les convainc de s’engager dans le mouvement de mai 68, alors très virulent dans la capitale mais presque inexistant dans sa petite ville.
Il s'engage ensuite à l'Unef (Union nationale des étudiants de France) dès son arrivée à la faculté de Besançon, en 1969, où il étudie la philosophie. Jean-Luc Mélenchon y rejoint un mouvement trotskiste. Pendant ses années à l’université, il participe à de nombreux mouvements étudiants et luttes ouvrières dans la région.
Début de carrière politique au Parti socialiste
Après avoir travaillé comme correcteur dans une imprimerie à Besançon, puis comme surveillant et ensuite professeur de français dans un lycée, Jean-Luc Mélenchon adhère au Parti socialiste en 1976 et exerce des responsabilités locales à Lons-le-Saunier. Il a toujours fait partie de l’aile gauche du PS, et est élu sous cette étiquette conseiller municipal de Massy, dans l’Essonne, en 1983, puis conseiller général de l’Essonne en 1985.
Il est ensuite élu sénateur de ce département en 1986, devenant à 35 ans le plus jeune sénateur de France. Il exerce ce mandat jusqu'en 2000, puis de nouveau de 2004 à 2010. De 2000 à 2002, il est ministre délégué à l'Éducation professionnelle dans le gouvernement de Lionel Jospin.
Toujours en rupture avec le parti et toujours plus à gauche que ses collègues, il claque la porte du PS en 2008 pour fonder le Parti de Gauche, avec lequel il sera élu député européen en en 2009 (puis réélu en 2014).
deux echecs consécutifs à la présidentielle
En 2011, il rejoint la coalition Front de Gauche, lancée par le Parti communiste, et est désigné candidat à l’élection présidentielle de 2012. Jean-Luc Mélenchon arrive en quatrième position au premier tour, avec 11,1% des voix, derrière Marine Le Pen (17,9%), Nicolas Sarkozy (27,18%) et François Hollande (28,68%), ce dernier ayant par la suite été élu président de la République.
Après des résultats décevants aux législatives et aux municipales de 2014, Jean-Luc Mélenchon annonce quitter la direction du Parti de Gauche, soumis à des tensions internes. Il souhaite alors fonder une large alliance avec les écologistes et le Parti socialiste pour l’élection présidentielle de 2017, à laquelle il se porte candidat dès 2015.
En 2016, il annonce finalement se lancer dans la course à l’Élysée «hors cadre des partis», et lance son propre mouvement, La France insoumise, qui reçoit notamment le soutien du Parti de Gauche et du Parti communiste. Jean-Luc Mélenchon lance alors une forte stratégie numérique pour sa campagne, en dehors des médias traditionnels avec lesquels il est souvent en conflit, et investit pleinement les réseaux sociaux, notamment YouTube. Une stratégie qui s'avèrera payante puisque le candidat a obtenu 19,5% des voix au premier tour, soit 8 points de plus qu’en 2012, mais reste toutefois en quatrième position derrière François Fillon (20,1%), Marine Le Pen (21,3%) et Emmanuel Macron (24%).
Après cette défaite, Jean-Luc Mélenchon est élu quelques semaines plus tard aux élections législatives député des Bouches-du-Rhône à Marseille, et devient président du groupe parlementaire La France insoumise à l’Assemblée nationale.
«La République, c'est moi !»
Si l’ensemble de la classe politique et médiatique ne peut que reconnaître les talents de tribun de Jean-Luc Mélenchon, ce dernier est également célèbre pour ses coups de sang et sa propension à crier, voire insulte, tous ceux qui se dressent sur son passage. Un des exemples les plus marquants restera celui de la perquisition du siège de la France insoumise faite en octobre 2018, dans le cadre de deux enquêtes du parquet de Paris sur les comptes de la campagne présidentielle de 2017 et sur les conditions d’emploi d’assistants d’eurodéputés de LFI.
Alors que les forces de l’ordre avaient commencé la perquisition tôt dans la matinée, Jean-Luc Mélenchon était arrivé peu avant 11h en furie au siège de LFI, après avoir été personnellement perquisitionné à son domicile. Alors que l’opération des policiers se déroulait dans le calme, l’arrivée de l’insoumis a mis le feu aux poudres.
«Au nom de quoi vous m'empêchez d'entrer dans mon local ? Je suis un parlementaire ! Vous n'êtes pas Benalla. Vous êtes des policiers républicains. La République, c'est moi !» a hurlé le chef de file de La France insoumise au policier qui lui barrait la route et l’empêchait d’entrer dans ses bureaux. Une altercation qui a failli en venir aux mains, et qui a été filmée par les caméras de l’émission Quotidien, avant d'être largement partagée dans les médias.
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Après la #perquisition menée à son domicile, Jean-Luc Mélenchon s’est rendu au siège de la France insoumise, également perquisitionné.
Voici la scène hallucinante devant la porte de son propre local. ⬇#Quotidien pic.twitter.com/c661VAxp5q— Quotidien (@Qofficiel) October 16, 2018
Un an plus tard, Jean-Luc Mélenchon a été condamné à trois mois de prison avec sursis et 8.000 euros d’amende par le tribunal de Bobigny pour rébellion et provocation lors de cette perquisition. Il avait dénoncé un «procès politique» et une «instrumentalisation de la justice».
Meetings innovants et solide stratégie numérique
Jean-Luc Mélenchon dispose d’une équipe de communication très performante qui a beaucoup investi dans la jeunesse et les réseaux sociaux, mais aussi sur des innovations technologiques lors de ses meetings.
En 2017, il avait créé la surprise en organisant simultanément deux meetings, à Lyon et Aubervilliers, au cours desquels il avait réussi à «se dédoubler» grâce à un hologramme. Une technique qu’il a réutilisée plusieurs fois depuis. Plus récemment, en janvier 2022, il a également tenu un «meeting olfactif», lors duquel des parfums ont été diffusés au fur et à mesure de son discours pour immerger pleinement ses militants et leur faire ressentir des émotions.
Pour la campagne présidentielle 2022, l’équipe de campagne s’est concentrée cette fois-ci sur un réseau social ultra-jeune : TikTok. Il y compte plus de 1,6 million d’abonnés et 17,3 millions de «j’aime». Son équipe poste très régulièrement des courtes vidéos pour distiller des idées de son programme et diffuser des morceaux d’interview, et même des vidéos humoristiques.
De tous les candidats à l’élection d’avril prochain, seul Emmanuel Macron le devance encore sur ce réseau social (2,8 millions d'abonnés, 18,9 millions de «J'aime»), lui aussi ayant misé sur l’électorat jeune, en tournant par exemple une vidéo avec les célèbres YouTubeurs McFly & Carlito.
En mauvaise posture pour 2022
Si Jean-Luc Mélenchon a bien compris l'intérêt des réseaux sociaux, il n’en est pourtant pas plus populaire dans les sondages. Il n’a pas souhaité d’alliance avec ses camarades de gauche, et a toujours rejeté l’idée d’une primaire de la gauche ou d’une primaire populaire. Cette fragmentation et la percée de la droite dans les enquêtes d’opinion ne sont pas à son avantage.
Alors qu’il avait obtenu 19% des voix au premier tour de l’élection présidentielle de 2017, il est aujourd’hui crédité de 11% des voix, selon le dernier baromètre OpinionWay pour CNEWS rendu public vendredi 4 mars. Il se retrouve ainsi en cinquième position derrière Emmanuel Macron, Marine Le Pen, Valérie Pécresse et Éric Zemmour.
Sa campagne s’articule aujourd’hui sur ses thèmes habituels : hausse des minima sociaux, avancée de l’âge de départ à la retraite, réformer la police, et être plus radical pour la protection de l’environnement, mais également passer à la VIème république et sortir des traités européens.