Dans son édito de ce mercredi 23 février, Eugénie Bastié, journaliste au Figaro, se penche sur l'impact de la crise ukrainienne dans l'élection présidentielle française.
Depuis 48h, l’opposition tire à boulets rouges sur le président de la République, coupable d’avoir fanfaronné trop vite sur l’éventualité d’un sommet entre Poutine et Biden qui permettrait la désescalade en Ukraine. Emmanuel Macron a-t-il échoué ? En tout cas il n’a pas réussi, malgré tous ses efforts à incarner la possibilité d’une voix de paix, donnant l’impression de s’être fait rouler le tsar.
Après la crise des sous-marins en Australie, le retrait du Mali, voilà un nouveau camouflet pour le président hyperactif qui aurait aimé accrocher à son tableau de chasse la médaille d’une victoire diplomatique. Est-ce vraiment de sa faute, ou les effets d’un déclassement structurel de la France dont la voix n’est plus respectée sur la scène internationale ? Le président de la République peut faire valoir cet argument : les autres candidats à la présidentielle auraient-ils fait mieux ?
Dans un contexte de crise, qui est plus est militaire, la prime va souvent au sortant plutôt qu’à l’incertitude d’une candidature populiste risquant de renverser la table. En occupant le terrain sur le sujet régalien par excellence qu’est la diplomatie, la crise ukrainienne est un ballon d’hélium de plus pour Emmanuel Macron qui prend toujours plus de hauteur par rapport à ses concurrents.
La relation à Poutine, un sujet de campagne
Ce qui caractérise la France, par rapport à d’autres pays européens, c’est que le rapport à la Russie est un clivage qui traverse la droite et la gauche. A droite, toute une partie des nationalistes plaident l’indulgence pour Poutine, voyant dans l’autocrate russe un modèle de dirigeant autoritaire suivant les intérêts de son pays, en dépit de l’état de droit. A noter cependant que Marine Le Pen semble avoir adouci sa position, jugeant «regrettable» l’action de Poutine, ce qui change de son discours très pro russe de 2017.
La majorité, elle, tente de retourner le souverainisme contre ses tenants, affirmant que les positions de Zemmour et Le Pen seraient «anti-patriotes» et munichoises. «Il y a des gens qui préfèrent l’argent à leur pays», a même osé le secrétaire d’Etat Clément Beaune en évoquant François Fillon, se faisant d’ailleurs désavouer par Macron. Drôle d’argument, comme si il n’y avait aucun débat possible en matière de relations internationales et que c’était la France qui était directement attaquée.
A gauche, une ligne de fracture sépare la gauche antiatlantiste de Mélenchon des autres candidats résolument anti Poutine. Le candidat de la France insoumise, tout en condamnant la responsabilité russe dans l’escalade, a affirmé que celle-ci était la conséquence de la volonté etatsunienne d’élargir l’OTAN. Pas sûr que cette position le serve dans la perspective du vote utile de rassembleur de la gauche qu’il tentait d’endosser ces derniers jours.
Alors que la figure de Poutine est un repoussoir pour une majorité écrasante de Français, l’instrumentalisation de la crise ukrainienne jouera sans doute important dans les jours qui viennent.