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Covid-19 : la «double peine» des patients immunodéprimés

Les patients immunodéprimés atteints du Covid-19 sont sur-représentés en réanimation. Les patients immunodéprimés atteints du Covid-19 sont sur-représentés en réanimation.[CRÉDITANNE-CHRISTINE POUJOULAT / AFP]

Dans certains hôpitaux, 70% des patients admis en réanimation sont non-vaccinés. Parmi les 30% restants, la majorité sont immunodéprimés, et à risque très important de contracter une forme grave de la maladie, alors même qu’ils ont déjà reçu trois, voire quatre ou cinq doses de vaccin. Une population qui se sent démunie face à la difficulté d’obtenir des traitements.

«C’est quand même une double ou une triple peine : on ne fabrique pas d’anticorps, on est à risque de Covid grave, et il n’y a pas de traitement actuellement», déplore Sylvie, 62 ans, transplantée rénale. Diagnostiquée très jeune, elle a derrière elle un long parcours médical, comprenant des dialyses et plusieurs greffes. Elle est sous un traitement immunosuppresseur, «assez costaud», selon ses mots, pour que son organisme ne rejette pas sa greffe. «J'ai des anticorps contre les corps étrangers, mais par contre je n'en ai pas fabriqué contre le virus du Covid, malgré trois doses de vaccins.», explique-t-elle.

Les personnes immunodéprimées représentent entre 270.000 et 300.000 personnes en France. Du fait de leur pathologie ou de traitements lourds qu’ils peuvent prendre, leur système immunitaire est affaibli. Alors que le seuil d’anticorps retenu par l’OMS pour garantir une certaine protection contre le coronavirus est de 264 BAU/mL de sang, «pour les greffés pulmonaires, ce seuil a été atteint pour 15 à 20% des patients alors qu'ils avaient déjà reçu leur 4e dose», indique Pierre Foucaud, président de l’association Vaincre la Mucoviscidose, qui a interpellé le gouvernement, avec d’autres associations, sur le sort des immunodéprimés dans une tribune publiée le week-end dernier dans le Journal du Dimanche.

«On comprend bien l'anxiété qu'ils sont en train de vivre à nouveau avec cette véritable déferlante du variant Omicron parce qu'ils se sentent particulièrement vulnérables. La mortalité, pour eux, se situe entre 15 et 20%», soit davantage que les résidents en Ehpad quand les vaccins n’existaient pas, explique-t-il. Des chiffres qui se vérifient dans certaines réanimations, puisque les patients immunodéprimés représentent jusqu’à 30% des hospitalisés à Paris, comme l’a indiqué le ministre de la Santé Olivier Véran. «Ce que l'on craint, c'est que ces patients en situation de déficit immunitaire sévère fassent les frais de tris à l'accès aux réanimations, en favorisant des patients de meilleur pronostic, des personnes non-vaccinées», regrette Pierre Foucaud.

Un traitement à base d'anticorps peu exploité...

Pour ces patients, l’espoir réside donc dans d’autres types de traitements. En août dernier, certains ont pu recevoir une «autorisation d’accès précoce» au traitement Ronapreve développé par le laboratoire suisse Roche, à base d’anticorps monoclonaux. Il s’agit d’un «cocktail» d’anticorps artificiels conçu pour résister au Covid-19. Cependant, son administration tous les mois par intraveineuse représentait une organisation et des investissements trop importants pour les hôpitaux, qui ont été très peu à proposer ce traitement aux patients. Selon les associations, seuls 10% des quelque 60.000 patients sévèrement immunodéprimés ont pu recevoir ces anticorps. Sylvie a fait partir des rares à y avoir eu accès : «J’ai été un peu rassurée, mais le traitement aux anticorps n’a pas vraiment fonctionné sur moi. Au bout de 15 jours je n’avais que la moitié du taux requis, et au moment de la deuxième perfusion, je n’en avais plus du tout. Puis Omicron est arrivé», raconte cette ancienne médecin aujourd’hui retraitée.

Selon les données scientifiques récentes, le Ronapreve n’est plus efficace contre ce nouveau variant, désormais majoritaire en France. Une nouvelle source d’angoisse pour ces patients, alors que le virus circule très largement et rapidement dans l’Hexagone. Un autre traitement à base d’anticorps, Evusheld, mis au point par AstraZeneca, a toutefois reçu le feu vert de la Haute Autorité de Santé le 11 décembre dernier. Plus simple d’utilisation, il s’administre par intramusculaire et a une efficacité présumée de six mois, contre un mois pour le Ronapreve. Sylvie a tout récemment pu en bénéficier. «J’espère qu'il va être largement distribué aux personnes immunodéprimées parce que le précédent a quand même été sous-employé, déplore-t-elle. L'autre problème, c'est que pour les gens immunodéprimés qui attrapent Omicron actuellement, il n'y aura aucun traitement pendant plusieurs semaines».

... Et pas de traitement curatif avant plusieurs semaines 

L’autre lueur d’espoir réside dans deux autres traitements qui doivent arriver dans les prochaines semaines en France : le Paxlovid, traitement antiviral mis au point par Pfizer, et le Xevudy du laboratoire britannique GSK. Ce dernier a été approuvé par l'Union européenne, et le médicament mis au point par Pfizer a reçu un avis favorable de l'Agence européenne du médicament pour un accès précoce, mais pas encore d'autorisation de mise sur le marché. 

Les solutions temporaires : l’auto-confinement ou des mesures de grande prudence. Des gestes qui font parfois partie de la vie de ces patients depuis des années. C’est notamment le cas d’Odile, 53 ans, atteinte de la mucoviscidose. «Les masques, les gants, le gel hydroalcoolique, on les utilise depuis plus de trente ans», raconte-t-elle. Vivant avec son mari également à risque de Covid grave, replacé en télétravail depuis l’arrivée d’Omicron, et avec sa mère âgée de 80 ans, les gestes barrières ne sont pas une option pour elle. «Pour sortir en ce moment, je mets systématiquement des gants, que je laisse dehors en arrivant chez moi et que je désinfecte.» Même son de cloche pour Sylvie, qui limite drastiquement ses sorties : «je ne sors quasiment plus de chez moi sauf pour faire rapidement des courses, et à des horaires où il n’y a personne. Même si les gens portent le masque, je sors systématiquement maintenant avec un masque FFP2.»

Selon une enquête publiée fin octobre par l’association Renaloo, qui accompagne des malades des reins, 77% des patients insuffisants rénaux, dialysés et greffés continuent à «prendre les mêmes précautions qu’au début de la crise, lorsqu’un isolement strict était la règle». Cependant, l’auto-confinement ne peut être une véritable solution, notamment pour les patients qui travaillent, ou qui ont un conjoint qui travaille, ou des enfants qui vont à l’école. 

Des patients parfois pas assez informés  

Pour la fondatrice de Renaloo, Yvanie Caillé, les pouvoirs publics doivent s’organiser pour garantir un accès aux nouveaux traitements, préventifs et curatifs, pour les patients immunodéprimés. «Le Paxlovid et le Xenudy doivent être administrés le plus rapidement possible après les premiers symptômes, ce qui implique que les patients aient un accès rapide à des tests PCR. Quand on voit ce qu’il se passe en ce moment et les délais pour obtenir le test et les résultats... Cela risque de poser un vrai problème si la situation reste la même quand les traitements arriveront», souligne-t-elle. Pierre Foucaud plaide également pour que certains des traitements puissent être administrés à domicile, car «demander à un patient aussi fragile d'aller à l'hôpital en pleine poussée épidémique est très risqué». Le remboursement des masques FFP2 pour les personnes sévèrement immunodéprimées fait également partie des demandent des associations. 

Elles insistent enfin auprès du gouvernement pour réaliser un véritable effort d’information, à travers des campagnes nationales destinées à ces patients. «Nous informons au maximum nos adhérents, mais les associations ne touchent malheureusement pas tous les patients, rappelle Yvanie Caillé. La bonne nouvelle, c’est que parmi nos demandes fortes qui sont en train d'aboutir, l'assurance maladie va adresser la semaine prochaine un courrier aux patients immunodéprimés, avec des informations sur les précautions à prendre, la stratégie de vaccination et les traitements préventifs… C'est une très bonne chose et nous sommes associés en ce moment à la rédaction de ce courrier», indique la fondatrice de l’association Renaloo. 

Egalement membre du Conseil d’Orientation de la Stratégie vaccinale (COSV), présidé par Alain Fischer, elle a souvent l’occasion de parler de la situation des immunodéprimés. Si le gouvernement et les autorités de santé prennent en compte leur situation, elle a toutefois le sentiment qu’il y a parfois «une forme d'acceptation du fait que les immunodéprimés aillent massivement en réanimation».

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