Le plus haut magistrat de France, François Molins, sera-t-il contraint par la Cour de cassation à être auditionné dans l’enquête visant le ministre de la Justice pour «prise illégale d’intérêt». Suite à la demande dans ce sens d’Eric Dupond-Moretti, l'institution doit se prononcer ce mardi.
Le ministre conteste en effet le refus des trois magistrats de la commission d'instruction de la Cour de justice de la République (CJR) d'auditionner le procureur près la Cour de cassation François Molins. Une décision confirmée en appel par ces mêmes juges.
Lors d’une nouvelle audience, le 10 décembre, l’avocat d’Eric Dupond-Moretti, maître Patrice Spinosi, avait dénoncé «un excès de pouvoir» de la CJR. Il avait également critiqué la procédure qui «dysfonctionne» et ne garantirait pas les droits fondamentaux du ministre.
Un appel téléphonique au cœur de la demande
Au centre de la demande se trouve un appel téléphonique, passé mi-septembre 2020 par Véronique Malbec, directrice de cabinet du ministre de la Justice, à François Molins, également président du Conseil supérieur de la magistrature (CSM). L'appel portait sur les suites à donner à un premier rapport de l'Inspection générale de la justice (IGJ) concernant le fonctionnement du parquet national financier (PNF) après une enquête de celui-ci autour de Nicolas Sarkozy, rappelle l’AFP.
Au cours de cette conversation, le procureur général Molins a informé la directrice de cabinet que la saisine de l'IGJ semblait plus adéquate que le CSM, aucune faute disciplinaire des magistrats n'ayant été pointée. Il s'agissait d'un «rappel procédural de principe» et non d'un conseil, a expliqué François Molins dans un courrier adressé à la CJR.
Le ministre mis en examen depuis le mois de juillet
Eric Dupond-Moretti est mis en examen depuis le 16 juillet dernier pour «prise illégale d'intérêt». Il est notamment soupçonné d'avoir profité de sa fonction de ministre pour régler ses comptes avec trois magistrats du PNF, en ordonnant une enquête administrative, menée par l'IGJ, à leur encontre en septembre 2020. Ces magistrats avaient fait éplucher ses relevés téléphoniques détaillés (les «fadettes»), alors qu’il était encore avocat, dans cette enquête autour de Nicolas Sarkozy.
Pour sa défense, le garde des Sceaux assure n’avoir fait que «suivre les recommandations» de son administration, en demandant cette enquête administrative. Son avocat estime ainsi que le témoignage de François Molins est essentiel «pour la manifestation de la vérité (car il a) émis un avis sur l'engagement de l'enquête administrative qui constitue aujourd'hui l'un des éléments essentiels» des poursuites contre Eric Dupond-Moretti.