De plus en plus visibles, les rats d'égout cohabitent désormais avec les Parisiens. Pourtant, la municipalité tente de lutter depuis des années contre leur prolifération. Sans succès. Un nouveau projet baptisé «Armaguedon» devrait permettre de mieux comprendre les habitudes de ce rongeur.
Entamé au printemps dernier, ce projet de recherche scientifique vise à mieux connaître les rats bruns parisiens – communément appelés rats d'égout – leurs habitudes de vie et leurs préférences, afin de pouvoir dresser un portrait-robot de ce rongeur, réfléchir aux solutions à envisager pour ralentir leur prolifération, notamment en terme d'aménagement du territoire.
Pour ce faire, plusieurs des plus grands spécialistes de l'animal ont formé un consortium, afin de mettre tous leurs savoir-faire au service de cette étude. Parmi eux, VetAgro Sup (l'établissement d'enseignement et de recherche pour la formation de docteurs vétérinaires, d'ingénieurs agronomes et d'inspecteurs de santé publique vétérinaire), l'Inrae (Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement) ou encore l'Institut Pasteur.
«Très peu de connaissances» sur le rat d'égout
Et la tâche n'est pas aisée, puisque comme nous l'apprend Virginie Lattard, la directrice de l’unité «rongeurs sauvages, risques sanitaires et gestion des populations» à VetAgro Sup, nous n'avons que «très peu de connaissances» à leur sujet. Combien sont-ils ? Il y a-t-il une grosse population ou plusieurs populations ? Est-ce que la Seine les empêche de traverser ? Autant de questions auxquelles le projet sera chargé de répondre.
Or, ce manque de connaissances «sur l’écologie spatiale du rat en ville nuit, selon VetAgro Sup, à l’efficacité des programmes de gestion mais compromet surtout la gestion des risques sanitaires associés». Le volet sanitaire ne sera donc pas laissé de côté, et sera notamment traité par l'Insitut Pasteur, chargé de répondre à diverses questions de santé publique au sujet des problèmes sanitaires liés aux rongeurs ou encore du portage transmissible à l’homme.
Autre question qui sera soulevée : comment les rats se sont-ils habitués aux produits utilisés pour les tuer ? Loin d'être anodine, la recherche à ce sujet doit permettre, selon Virginie Lattard, de «comprendre la résistance des rats à certains produits et écarter ceux qui ne servent à rien». Selon cette spécialiste, «l'utilisation abusive et inapropriée de certains produits a conduit à la sélection naturelle d'une certaine population de rongeurs».
Et pour cela, ces scientifiques doivent avoir accès aux rats. Partenaire de cette étude, la Mairie de Paris ouvre donc ses parcs et jardins, et met de côté les cadavres de rongeurs pour les mettre à disposition de ces scientifiques. «On aimerait capturer des rats vivants, mais c'est très compliqué», explique Viriginie Lattard, qui travaille ensuite à l'aide «de ces échantillons de cadavres».
Enfin, le projet comportera une part de recherche sociologique, afin de comprendre et d'expliquer «pourquoi le rat est si mal perçu» et «comment les Parisiens vivent avec», alors qu'«associés à la saleté», ces derniers «sont impopulaires», selon Virginie Lattard. Une réalité contre laquelle se bat l'association PAZ (Paris Animaux Zoopolis), qui organise des happenings dans la capitale pour «sensibiliser les passants» à l'existence de ces rongeurs et «changer le regard» que l'on porte sur eux.
vers des méthodes de capture non létales ?
En août dernier, plusieurs associations de protection animale – telles que PAZ mais aussi L214, la Fondation Brigitte Bardot ou encore la SPA – avaient écrit le 9 août dernier à la maire de Paris, Anne Hidalgo, lui demandant «la mise en place d'un groupe de travail destiné à penser des méthodes non létales et éthiques, aussi bien en amont pour limiter la prolifération des rats qu'en aval».
Ensemble, elles plaident en effet pour le lancement d'un véritable travail de recherche, qui serait «piloté par la Mairie» et «constitué d’experts», tels que des «biologistes, urbanistes, architectes, vétérinaires, éthologues, associations de protection animale, entreprises innovantes», et dont l'«objectif» serait ainsi «de trouver et d’expérimenter» de nouvelles méthodes de lutte contre les rats, sans forcément avoir à les tuer. Peut-être trouveront-elles des solutions à l'issue de cette étude.