Trois hommes – riverains du square de la Porte de la Villette (19e) où ont été déplacés les toxicomanes – ont été condamnés à trente jours de travaux d'intérêt général (TIG) par le Tribunal de Paris, ce mercredi 20 octobre, pour avoir inscrit «le mur de la honte» sur les parpaings érigés à la hâte pour séparer le square et la ville de Pantin (93).
Poursuivis pour dégradation de bien public en réunion, ils avaient été arrêtés le 27 septembre dernier alors qu'ils étaient en train d'inscrire «le mur de la honte» sur la séparation de parpaings érigée à la hâte quelques jours plus tôt pour bloquer le passage de la rue Forceval et éviter ainsi qu'un couloir permette aux toxicomanes du square de se rendre jusqu'au centre-ville de Pantin (93).
Ce mercredi 20 octobre, au prononcé de la peine, si deux d'entre eux ont accepté la condamnation des trente jours de TIG, le troisième l'a simplement refusée, faisant valoir dans un communiqué «une sanction hors de proportion avec les faits qui lui sont reprochés». Ce dernier déplore surtout de ne pas avoir été «entendu par la justice» et de n'avoir pu «se défendre en exposant les éléments du dossier».
Convoqué à nouveau dans les prochains jours, il invite – par la voix de son avocat – les riverains à le soutenir, rappelant «son opposition à l'édification du "mur de la honte"», sa volonté de «faire que le gouvernement s'engage à assurer la sécurité et la tranquilité des riverains et poursuivre les vrais responsables que sont les réseaux de drogues».
L'inscription devenue symbole
Un «mur de la honte» devenu depuis un symbole : celle de l'incapacité de tous les acteurs concernés à trouver une solution durable et pérenne pour prendre en charge les toxicomanes en grande déshérence, addicts au crack. Depuis sa construction, les riverains manifestent tous les mercredis devant ce mur, réclamant l'évacuation du square et la réouverture de cette voie qui leur permettait de rejoindre Paris.
«À quel point faut-il être acculé pour penser que la construction d'un mur réglera quelque problème que ce soit ? Quel symbole terrible et quel aveu d'échec alors que nous passons note temps à construire des ponts entre Paris et les villes voisines», s'était ainsi interrogée Camille Naget, élue communiste du 19e arrondissement, interpellant le préfet de police Didier Lallement lors du dernier Conseil de Paris.
Ce jour-là, elle dénonçait que «3 habitants des Quatre-Chemins [étaient] poursuivis par le Procureur de la République pour avoir tenté d'inscrire "le mur de la honte, merci Darmanin"». «L'expression d'une opinion contradictoire semble visiblement ce qui préoccupe plus fortement les forces de l'ordre et la justice au square Forceval. Comment ne pas s'indigner d'un tel décalage dans le traitement des infractions et des transgressions de la loi ?», s'était alors indignée l'élue.
Une pétition de soutien
Dans une pétition change.org adressée au Premier ministre Jean Castex en «solidarité» aux 3 habitants de Pantin convoqués, les riverains déplorent le choix du ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin d'avoir déplacé les toxicomanes dans «ces quartiers parmi les plus pauvres [...] habités par des personnes qui travaillent, élèvent leurs enfants du mieux qu’elles peuvent et connaissent déjà de nombreuses difficultés tant sociales que de sécurité».
«Monsieur Darmanin ajoute les problèmes aux problèmes tout en niant l’existence des riverains», peut-on encore lire sur cette pétition, qui rappelle que le ministre de l'Intérieur avait promis que cette solution «serait temporaire». «Depuis trois semaines, le mur du silence a succédé au mur de la honte», conclut le texte signé par un peu plus de 250 personnes.
Ce mercredi 20 octobre, une nouvelle manifestation de riverains a eu lieu dans le quartier des Quatre-Chemins, alors que ces derniers, excédés, sont de plus en plus nombreux à dénoncer les intrusions dans les immeubles de toxicomanes, venus là pour s'abriter et refusant ensuite d'en partir. Un quotidien que certains décrivent comme un «enfer» et contre lequel ils se mobilisent – parfois en collectifs – pour tenter d'interpeller les pouvoirs publics.
En marge de cette mobilisation, le maire socialiste de Pantin, Bertrand Kern, et la maire UDI d'Aubervilliers, Karine Franclet ont déposé un recours juridique pour contester l'installation, depuis fin septembre, des usagers de crack dans le square de la Porte de la Villette (19e). Dans un communiqué, ils assurent conjointement recevoir «des dizaines de signalements d'habitants des Quatre-Chemins qui se plaignent d'agressions, de nuisances et de détériorations de la part de ces personnes dépendantes du crack».
Ils dénoncent également de ne pas avoir «été entendus, ni reçus par le Premier ministre» Jean Castex, malgré plusieurs demandes. «Puisque nous avons sensibilisé le pouvoir législatif, puisque le pouvoir exécutif refuse de nous répondre, nous nous tournons vers le pouvoir judiciaire», ont ainsi fait savoir les deux élus.