Alors que les toxicomanes, jusqu'alors regroupés en masse autour des Jardins d'Eole (18e), ont été évacués vers le square de la Porte de la Villette (19e), les riverains et élus locaux s'inquiètent que le site ne devienne la nouvelle «Colline du crack».
Installé sous l'échangeur de l'A1 au niveau de la Porte de la Chapelle (18e), le campement de la «Colline du crack» était resté formé pendant des mois entre 2018 et 2019. Une zone recluse, où seuls les toxicomanes en très grande déshérence osaient s'aventurer et avaient pris l'habitude de vivre cachés. En novembre 2019, Christophe Castaner – alors ministre de l'Intérieur – avait promis son évacuation, après plusieurs dizaines d'essais infructueux.
Depuis, les toxicomanes – accros au crack, ce dérivé très puissant de la cocaïne – n'ont eu de cesse de chercher un endroit où se fixer. Dans le tunnel de Rosa Parks, sur la place Stalingrad, aux Jardins d'Eole... et aujourd'hui dans le square de la Porte de la Villette. Un site choisi par la préfecture de Paris et d'Île-de-France «dans un secteur sans riverains aux abords immédiats» pour mettre fin à l'insécurité et l'insalubrité qu'avaient causé leur présence près des Jardins d'Eole.
«Une solution temporaire» promet la préfecture
Pour autant, malgré l'installation de points d'eau et de sanisettes, le gouvernement ne compte pas laisser la situation perdurer trop longtemps, et parle, dans un communiqué signé par la préfecture de police de Paris, d'une «solution temporaire [...] décidée dans l'attente de la mise en place concrète des salles d'accueil par la mairie de Paris, et du renforcement des prises en charge sanitaires et sociales».
Il y a dix jours, Jean Castex a en effet autorisé la création de nouvelles salles de consommation à moindre risque dans la capitale. Pas question donc de faire du site «un lieu de tolérance ou de non-droit» selon la préfecture de police de Paris, qui prévoit de continuer «les actions de lutte contre les trafics» et «les interpellations quotidiennes».
Insupportable pour les riverains
Des garanties qui ne convainquent pas les riverains, notamment ceux de la ville voisine de Pantin (93), déjà nombreux à s'être organisés en collectif pour réclamer à l'Etat que ce square ne devienne la nouvelle «Colline du crack». Ce dimanche 26 septembre, ils se sont donc regroupés devant le mur construit sous le périphérique pour bloquer la rue Forceval, et empêcher ainsi les toxicomanes de pouvoir se rendre facilement dans le quartier résidentiel des Quatre-Chemins à Pantin.
«On ne fait que déplacer le problème», a d'ailleurs regretté le premier adjoint à la mairie de Paris, Emmanuel Grégoire, qui assure que «la préfecture de police recrée une colline du crack». «Cette évacuation ne doit pas conduire à la constitution d’un nouveau supermarché du crack», s'inquiète à son tour la maire socialiste de Paris, Anne Hidalgo, qui appelle le préfet de police à «faire de la lutte contre les trafics de stupéfiants et de la garantie de la sécurité des riverains ses priorités absolues».
Même consternation de la part du président de la Seine-Saint-Denis, Stéphane Troussel, qui condamne «la méthode choisie [...] sur le fond et sur la forme» et appelle l'Etat, le ministère de l'Intérieur et la préfecture de police de Paris à trouver des solutions. «Tout le monde sait parfaitement qu'il n'y a pas de solution pérenne sans la prise en charge sanitaire et thérapeutique adaptée des personnes toxicomanes. Qu'en-est-il donc de la proposition d'Anne Hidalgo de mobiliser les hôpitaux ?», s'interroge-t-il.
Des centres d'accueil vont donc devoir ouvrir rapidement pour que la présence des toxicomanes dans ce nouvel environnement ne dure pas. Seul bémol, le processus – entamé depuis cet été par la mairie de Paris d'ouvrir de nouvelles salles pour toxicomanes – risque de prendre encore du temps, puisque l'Etat, la municipalité et les Parisiens n'arrivent pas à se mettre d'accord sur l'emplacement de ces futures salles.