Locaux délabrés, dépouilles en putréfaction, voire mangées par les souris… Les révélations en 2019 sur les conditions indécentes de conservation des corps de milliers de personnes ayant décidé d’en faire don à la science, et l’enquête qui a suivi, ont conduit à la mise en examen vendredi dernier de l’ancien président de l'Université Paris-Descartes, Frédéric Dardel.
Il est poursuivi pour «atteinte à l'intégrité d'un cadavre», a indiqué ce lundi 7 juin, l'Agence France-Presse (AFP) de source proche du dossier.
Fin novembre 2019, un article de L’Express avait en effet mis en cause la façon dont les dépouilles étaient traitées au Centre du don des corps (CDC). Des soupçons de marchandisation de ces corps avaient également été apportés.
La ministre de la Recherche, Frédérique Vidal, avait alors ordonné la fermeture du «temple de l'anatomie française», fondé en 1953 et qui accueillait chaque année plusieurs centaines de dépouilles. Après celle-ci, Frédéric Dardel était devenu en septembre 2019 «conseiller spécial» au cabinet de cette ministre, puis depuis septembre 2020, directeur d'une unité de recherche du CNRS.
Il avait été entendu en garde à vue le 12 novembre par les enquêteurs de la Brigade de répression de la délinquance contre la personne et était ressorti sans poursuites, avant d’être convoqué le 6 mai par le juge d’instruction chargé de cette information judiciaire ouverte en juillet 2020. Il avait de nouveau été convoqué vendredi dernier.
«S'il y en a un qui a bougé, c'est bien lui»
«Sur les sept années qu’aura duré son mandat (commencé début 2012), Frederic Dardel n’a été mis en examen en sa qualité de président que sur une période de deux ans», a indiqué son avocate à l'AFP. «Pourtant il n’a eu de cesse de solliciter l’octroi de crédits... Notamment pour la réfection du Centre du don des corps, en vain, ce qui démontre comme pour d’autres services publics essentiels l’incurie manifeste de l’État», a-t-elle ajouté. «S'il y en a un qui a bougé, c'est bien lui».
En juin 2020, une enquête administrative de l'Inspection générale des affaires sociales et l'Inspection générale de l'éducation du sport et de la recherche avait estimé que l'Université Paris-Descartes était responsable de «graves manquements éthiques» dans la gestion du CDC.
Le rapport évoquait «l'importance et la répétition» des alertes, «à différents niveaux et selon différents vecteurs, (qui) tranchent avec l'absence de réaction à la hauteur de la gravité des faits signalés jusqu'en 2018». L'Université de Paris, nouvelle entité issue de la fusion en janvier 2020 de Paris-Descartes et Paris-Diderot, a été mise en examen le 15 avril pour atteinte à l'intégrité d'un cadavre. Deux préparateurs ont, eux, été mis en examen en décembre et en avril.