D’un quartier à l’autre. Alors que la décision d’ouvrir un espace réservé aux toxicomanes, notamment la nuit, au sein du jardin d’Eole (19e) a été officialisée en début de semaine, les riverains des rues adjacentes – notamment des rues Riquet et d’Aubervilliers – ont fait part de leur colère ces derniers jours.
Devant les portes du jardin, les riverains ont donc brandi de nouvelles pancartes où ils affichaient «rendez-vous notre parc» et entamé à leur tour les concerts de casseroles. Ensemble, ils accusent les autorités d’avoir déplacé le problème depuis la place Stalingrad jusqu’à chez eux.
«Le gouvernement et la mairie de Paris n’ont rien trouvé de mieux que d’institutionnaliser une nouvelle colline du crack dans un jardin pour enfants», a réagi Pierre Liscia, ancien élu du 18e et porte-parole du mouvement Libres ! lancé par l'ex-LR Valérie Pécresse.
Selon lui, le quartier n’est d’ailleurs pas moins résidentiel que le quai de la Seine où les consommateurs de crack avaient leurs habitudes, mais est moins visible. «La réalité, c'est que comme on rouvre les cinémas et les commerces, il ne fallait surtout pas qu'il y ait des toxicomanes du côté de Stalingrad», explique-t-il.
Un problème «enkysté dans le quartier»
Qui de l'Etat ou de la mairie de Paris est responsable alors ? «Les torts sont partagés», répond Pierre Liscia, qui s'explique : «d'un côté, l’Etat qui ne fait que déplacer le problème [...] à Porte de la Chapelle, Porte d'Aubervillers, Rosa Parks, Stalingrad, puis au jardin d'Eole. De l'autre, la Ville de Paris qui dépense des milliers d'euros pour créer des dispositifs d'accompagnement des toxicomanes dans leur dépendance».
Selon lui, la mairie organise des distributions alimentaires ou de kits stérilisés d’injection censés limiter les risques, qui finissent «par entretenir l'addiction» et «par enkyster le problème dans le quartier».
Lui propose de réorienter «les millions d'euros du plan crack [...] dans un vrai dispositif de prise en charge sanitaire sur le long terme». «Aujourd'hui, il n’y a aucune structure pour désintoxiquer les toxicomanes [...] et je ne dis pas que c'est facile, je dis que c'est possible, sauf qu'aujourd'hui, personne ne s'en est donné les moyens», assure Pierre Liscia.
Vers la mise en place d'une solution pérenne ?
S’il n’est pas parfait, ce dispositif n’est de toute façon que provisoire, le temps que l’Etat et la Mairie de Paris se mettent d’accord sur une solution pérenne. Du côté de la municipalité, on ne cache pas l'ambition de créer de nouvelles salles de consommations à moindres risques (SCMR) à Paris, alors qu'il n'en existe qu'une seule aujourd'hui rue Ambroise Paré (10e).
«Le montage de nouvelles SCMR est urgent», a en outre fait savoir Anne Souyris ce jeudi. L'adjointe à la mairie de Paris chargée de la santé a souhaité que la France «passe de l'illusion d'un monde sans drogues à la réalité d'un monde de prévention pour retrouver un espace public partagé et serein».
Et l'élue en est persuadée, «la réduction des risques est la seule manière fonctionnelle et efficace» pour prendre en charge les toxicomanes. «Aujourd’hui, il y a une salle de consommation à moindre risque (SCMR) et deux salles de repos dans Paris, il en faudrait entre cinq et dix», avait ainsi réclamé Anne Souyris il y a quelques jours.