Il divise les alliés socialistes et écologistes depuis de longues années. Le projet de construction d'une Zone d'aménagement concertée (ZAC) à Bercy-Charenton (12e) va être revu, a acté la mairie de Paris ce lundi 15 février. Mais on ignore encore dans quelle mesure.
«La ville de Paris [...] mettra en place un comité citoyen Bercy-Charenton ayant pour objectif de redéfinir les objectifs du projet d'aménagement», fait savoir la municipalité dans un communiqué ce lundi. L'instance sera composée de 50 membres, exclusivement des habitants de la capitale et des communes voisines, recrutés «ces prochaines semaines par un institut de sondage indépendant». Elle devrait livrer un «avis indépendant avant l'été».
Toutefois, le rapport de cette nouvelle consultation citoyenne – méthode chère à l'élue de gauche – ne sera que consultatif. Libre donc à Anne Hidalgo de ne reprendre qu'une partie de préconisations, ou de passer outre. «Nous comptons nous appuyer sur cet avis pour parvenir à un large consensus essentiel à la réussite du projet», répond-on à l'hôtel de ville. Surtout, il ne s'agit que «d'une première étape», car «une concertation ouverte à tous sera ensuite organisée».
les écologistes montent dans les tours
Plusieurs questions sensibles restent en suspend sur l'aménagement de cet espace de 80 hectares, qui appartient à la SNCF. D'une part, il est censé accueillir un nouvel espace vert, comme le stipule l'accord passé entre les écologistes et la maire socialiste. Dans son programme, David Belliard, le candidat vert aux municipales à Paris, entendait même créer «une réserve naturelle en remplacement de ce projet pharaonique et inutile».
Pour l'instant, l'aménagement d'un «grand parc boisé» semble être acté, sans plus de précision sur sa superficie. «Nous sommes d'accord avec Emmanuelle Pierre-Marie [la maire EELV du 12e arrondissement] pour construire où les terrains sont artificialisés et végétaliser où c'est de la pleine terre. C'est une première piste à étudier», souligne-t-on à la mairie.
D'autre part, la hauteur des immeubles qui seront érigés, pour accueillir des logements et des bureaux, fait grincer des dents depuis longtemps. Le projet initial prévoyait la construction de six immeubles, dont un gratte-ciel de 180 mètres de haut. Des mastodontes qui n'ont plus la côte actuellement. Mais il resterait difficile de s'en passer pour des raisons économiques, selon Emmanuel Grégoire, le premier adjoint de la maire de Paris, dans Libération.
«Je dis à mes interlocuteurs qui disent qu'il ne faut plus faire de hauteur qu'il y a un risque de faire tomber la faisabilité économique même de la ZAC. Et à ce moment-là, il y a deux solutions : soit la SNCF dit "Je suis prête a me sacrifier pour la cause et vendre moins cher" – mais j'ai peu d'espoir. Soit c'est à la ville de financer», avertit le bras droit d'Anne Hidalgo. Et celui-ci de reprendre : «Sauf que la ZAC telle qu'elle a été mise sur pied, il y a plusieurs années, est déjà en déficit, c'est-à-dire en injection d’argent public. Cela représente 250 millions d’euros, ce qui me semble excessif au regard de nos contraintes budgétaires».
En clair : avec les trous causés dans le budget par la crise du Covid et la relance économique, la mairie de Paris n'a pas les moyens de se retrouver avec un nouveau projet coûteux sur les bras. Un argument-massue en faveur des tours, mais qui risque de ne pas être suffisant pour les adversaires de la densification urbaine. «La faisabilité économique doit être prise en compte pour ce futur projet, et la hauteur peut être une opportunité pour augmenter la végétalisation du site», estime-t-on à l'hôtel de ville.
Le quartier aménagé provisoirement
En attendant que la forme définitive de Bercy-Charenton soit arrêtée, des aménagements temporaires seront mis en place sur place. Environ 10.000m² d'espaces extérieurs et 1.000m² de bureaux seront mis à disposition, dans le cadre d'un appel à projets lancé à partir de ce lundi. Trois critères seront jugés : «mêler loisirs, culture, solidarité et vie locale ; permettre aux habitants de s’approprier le quartier ; ouvrir le lieu sur la nature». Le lauréat sera désigné «en juin», pour une durée de quatre ans.
Cette opération déminage semble donc avoir le mérite de donner du temps à Anne Hidalgo dans ce sujet brûlant. A condition que les braises de l'opposition ne soient pas alimentées par un passage en force de la socialiste.