Christophe Girard, l'ancien Mr Culture d'Anne Hidalgo, a décidé de revenir dans la vie politique parisienne. Si la plainte pour «viol par personne ayant autorité» qui le visait a été classée sans suite, son retour pourrait se révéler problématique pour la maire socialiste.
Christophe Girard a fait sa première apparition «publique» (par Zoom) ce mercredi 20 janvier au soir, à l'occasion du conseil du 18e arrondissement, où il est élu. Au cours des quatre longues heures de visio-conférence, l'ex-adjoint n'a pourtant pas pris la parole. «Bon conseil pour nous élus de terrain et de base engagés pour Paris et pas d'autres fantasmes et chimères narcissiques», a-t-il seulement écrit sur Twitter.
Après un silence total depuis son éviction fin juillet, Christophe Girard se montre très actif sur ce réseau social depuis quelques semaines. Il partage les publications et multiplie les clins d'œil aux membres de l'équipe municipale : «Bravo Ian [Brossat] et Anne Hidalgo», «Félicitations chères Carine Rolland et Afaf Gabelotaud pour vos fonctions [...] et merci pour vos mots», ou encore «Sur la photo, à droite, on dirait Emmanuel Gregoire», en évoquant du mari de Kamala Harris.
Christophe Girard radioactif
En retour, il ne récolte que quelques rares «like» ou réponses. Des échanges qui en disent long sur la situation et la gêne éprouvée par nombre d'élus parisiens vis-à-vis d'un Christophe Girard devenu radioactif. Les proches de la maire rechignent à répondre. «Absolument», se contente de répondre un conseiller de Paris en Commun [la formation d'Anne Hidalgo] quand on lui demande si la situation fait grincer des dents au sein du groupe.
A demi-mot, des membres de la majorité confient leur stupéfaction du retour de celui qui reste cité pour sa proximité avec Gabriel Matzneff, accusé de pédophilie, dans un contexte de montée des dénonciations des violences sexuelles et de critiques contre l'exemplarité des élus.
Chez les écologistes, à l'origine de son départ de l'hôtel de ville en juillet, certains fulminent. «Nous n'avons jamais demandé sa démission de son mandat d'élu. Nous demandions son départ de son poste d'adjoint. Ce qui est le cas», tempère toutefois ce jeudi David Belliard à CNews, adjoint aux transports d'Anne Hidalgo et leader des verts parisiens. Avant de glisser : «nous avons suffisamment prévenu que la situation pouvait dégénérer...».
Réfutant que la hache de guerre ait été déterrée, l'écologiste préfère vanter leur travail commun. «J'ai signé un accord de mandature avec Anne Hidalgo et, depuis, nous appliquons notre projet pour Paris. C'est ce que nous faisons là», assène-t-il en marge de l'inauguration d'un nouveau parking géant pour vélos à Montparnasse. «Maintenant, c'est de la responsabilité de Paris en Commun, et de son président Rémi Féraud. Cela dépend d'où il place le curseur de l'éthique», juge David Belliard.
Car Anne Hidalgo pourrait avoir la main qui tremble. Si on ne peut forcer un élu à démissionner de son mandat, le groupe Paris en Commun peut décider d'exclure ou, le cas échéant, de conserver Christophe Girard dans ses rangs. Une question pas si anodine, puisqu'en cas d'exclusion, la formation se retrouverait alors avec 54 conseillers, soit... 1 de moins que le groupe LR de Rachida Dati.
Joint par téléphone, le président du groupe Paris en Commun, Rémi Féraud, demande encore un peu de temps avant de trancher. «Je veux d'abord avoir un moment d'échange approfondi avec Christophe Girard et le groupe Paris en Commun, d'ici au prochain conseil de Paris, le 2 février. J'ai pris mes responsabilités en août dernier, pour lui demander de se mettre en retrait de son mandat, car une enquête préliminaire avait été lancée par la justice. Et je les prendrai avec mes collègues et Anne Hidalgo en ce début d'année 2021».
Questionné sur un éventuel précédent, en 2014, quand Anne Hidalgo avait demandé à Yamina Benguigui, alors ministre déléguée chargée de la francophonie, de démissionner de son mandat de conseillère du 10e arrondissement de Paris, Rémi Féraud répond que «la situation est totalement différente». Celui qui était maire du 10e à l'époque rappelle que l'élue était visée par une «procédure judiciaire officielle» [le procureur de la République avait été saisi pour une irrégularité de déclaration de patrimoine].
L'éviction entérinée la semaine prochaine ?
Sur le grill, Rémi Féraud admet néanmoins que «ce n'est pas parce qu'il n'y a pas d'acte judiciaire qu'il ne faut rien faire. Dans le cadre du débat publique, nécessaire et passionné, sur les questions liées aux violences sexuelles, je ne conteste pas que la question se pose». La décision devrait tomber dans le courant de la semaine prochaine.
D'ailleurs, après l'avoir soutenu mordicus en juillet, Anne Hidalgo semble avoir lâché son ancien adjoint, compagnon de route à la mairie de Paris depuis 2001. «En ce qui me concerne, je serai toujours du côté des victimes», a-t-elle indiqué mardi dans Le Monde.
Car l'affaire Girard pourrait se révéler être une gêne considérable pour l'image d'Anne Hidalgo, surtout dans le cadre d'une hypothétique candidature à la présidentielle 2022. Et notamment pour ses relations, déjà très tendues, avec les écologistes. «Qu'il y ait une compétition électorale au niveau national, c'est une réalité», reconnaît le vert David Belliard, «mais chacun doit prendre ses responsabilités pour éviter que cette compétition nationale ne déteigne sur Paris».