Alors que l’on se demandait il y a quelques semaines si les températures estivales pourraient ralentir l’épidémie, la question est désormais de savoir si le SARS-CoV-2 va se révéler plus dangereux avec l’arrivée de l’hiver, à l’image des principaux virus respiratoires, responsables du rhume ou encore de la grippe.
Selon Sylvie Behillil, responsable ajointe du CNR virus des infections respiratoires (dont la grippe) à l’Institut Pasteur, «on ne peut pas parler de dangerosité plus importante». Le changement de températures «ne va pas rendre le virus plus virulent», affirme-t-elle. Et pour cause, au niveau génétique, «il a peu évolué par rapport au début de sa circulation en France».
En effet, comme le confirme Jean-Michel Pawlotsky, chef de service de virologie de l’hôpital Henri-Mondor, à Créteil (Val-de-Marne), «contrairement au virus de la grippe qui change tous les ans, les coronavirus sont très stables. Pour l’heure, «il n’y a pas d’éléments qui nous donnent l’impression que la nature du virus va évoluer avec la baisse des températures», souligne le spécialiste.
De son côté, Martin Blachier, épidémiologiste et médecin de santé publique, rapporte que la virulence du virus est liée «à la dose infectieuse». Plus elle sera importante au moment de la contamination, «plus le système immunitaire sera faible, et plus il y aura de risques de développer une forme sévère d’infection Covid-19», explique-t-il. Et cette virulence sera la même, «que ce soit l’été ou l’hiver». La température peut avoir un effet sur le coronavirus, à condition que celle-ci soit très élevée.
«Seules des conditions de chaleur et de froid excessives vont détruire virus», précise Antoine Flahault, directeur de l'Institut de santé globale à la faculté de médecine de l'université de Genève. C’est pourquoi il est par exemple nécessaire de laver son masque en tissu en machine à 60°C. Mais concernant la dangerosité du virus cet hiver, «la question des températures est mineure», assure l’épidémiologiste.
Peu importe la météo, «une fois que le SARS-CoV-2 est dans l’organisme, la température reste de toute façon la même», rappelle-t-il. C’est-à-dire 37 degrés, voire 40 degrés en cas de fièvre, «et dans ces conditions, il se multiplie très allégrement».
Un mode de vie propice à la circulation du virus
Si la nature du virus ne va, a priori, pas évoluer, son taux de transmission en revanche, risque d’augmenter. Et ce, en raison du mode de vie des Français qui, durant la saison hivernale, vont avoir «tendance à privilégier des espaces confinés et peu ventilés pour se protéger du froid, détaille Jean-Michel Pawlotsky. La promiscuité liée à l’hiver est un des paramètres qui jouent sur la saisonnalité des infections respiratoires». Sans compter qu’à basse température, note-t-il, «les gouttelettes sont plus stables, elles vont s’évaporer moins vite et être plus grosses».
Le nombre d’occasions de s’infecter dans des lieux clos sera plus élevé, confirme Martin Blachier. Mais «cela ne représentera pas un phénomène majeur pour la course de l’épidémie. Ce qui est une bonne nouvelle», rassure le médecin, qui ne «s’attend pas à un changement de paysage épidémique du fait de l’arrivée de l’hiver». C’est plutôt la coexistence de plusieurs virus qui peut être problématique. Il s’agira notamment de savoir «s’il peut y avoir deux infections en même temps».
Sylvie Behillil estime également que les conditions de vie propres à la saison hivernale peuvent ne pas avoir trop d’incidence «car les Français ont pris l’habitude de porter un masque et de respecter les gestes barrières». Et grâce à cela, «les autres virus respiratoires de l’hiver vont en même temps peut-être moins circuler», analyse la responsable ajointe du CNR virus des infections respiratoires à l’Institut Pasteur.
Elle ajoute néanmoins que cette «épidémie peut prendre de l’ampleur assez rapidement», le virus se transmettant facilement, par projection de gouttelettes, par contact direct physique, ou indirect, via des objets ou surfaces contaminés par une personne porteuse. Ainsi, «on pense, sans rien affirmer, que s’il y a une deuxième vague, elle arrivera cet automne ou cet hiver».
Un avis que partage Antoine Flahault. Pendant la saison estivale, «il y a un certain frein qui opère. Ce qui nous inquiète, c’est le nombre de décès, pas celui des tests virologiques PCR positifs. Et en observant la courbe de mortalité, on constate qu’il y a un répit estival dans tous les pays d’Europe». Mais lorsque «ce frein» va se lever, durant les saisons froides, «on peut avoir un rebond de l’épidémie, conclut-il. Le risque d’une deuxième vague n’est donc pas à exclure.»