De 100 colis alimentaires en temps «normal», l’association Youssef Nazario, située aux Ulis (Essonne) en a distribué près de 300 durant le confinement. Parmi les bénéficiaires, des familles démunies mais aussi des étudiants, des veuves ou des veufs.
Ces colis contiennent de nombreuses denrées alimentaires (lait, eau, pâtes...). «En ce moment, on tente de tenir le rythme d’une livraison de colis alimentaires tous les dix jours», confie Youssef Naggaoui, fondateur de l’association.
L'organisation a également participé à la confection de masques ou encore livré, durant presque un mois, «40 à 45 repas pour l’hôpital d’Orsay et celui du Grand Mesnil de Bures-sur-Yvette (Essonne)», précise le jeune homme de 29 ans. Préparée par trente-six «mères des Ulis et Antoine, un traiteur», cette action avait pour but de donner «de la force au personnel soignant dans cette dure épreuve, surtout au début car ils étaient un peu déboussolés par la crise sanitaire».
Les profils aidés, tous dans la région parisienne, sont hétéroclites : «des blancs, des arabes, des noirs, des asiatiques, de tout !», énumère-t-il. Il cite en exemple «une veuve, dont on sait tous que c’est compliqué pour elle et son fils depuis la perte de son mari, qui était quelqu’un de respecté». Du coup, de temps en temps, «on lui dépose un sac de provisions sur la fenêtre». Il compte également «une vingtaine d'étudiants qui peuvent travailler d’habitude, mais ce n’est plus possible avec le confinement». Youssef, seul membre de l’association avec sa sœur qui est trésorière, est facilement joignable sur son téléphone portable, dont le numéro est affiché sur la page Facebook dédiée. C’est également via les réseaux sociaux (Snapchat, Instagram) qu’il recueille les appels à l’aide.
Pour subvenir aux besoins des plus démunis, le jeune homme ne compte pas sur la mairie en qui il n’a pas confiance. La maire n’est venue le voir qu’avant les élections municipales, regrette-t-il.
«La banlieue, c’était déjà comme ça»
Il s’appuie donc sur un réseau fort de liens noués un peu partout, assure celui qui aime vadrouiller à gauche et à droite. L’an dernier, Youssef est parvenu à rassembler «1.500 personnes lors d’un tournoi de foot organisé en faveur des veuves et des orphelins». Ces événements, surtout basés autour du sport, permettent de récolter des fonds, notamment avec l’apport de partenaires. Suivi par plus de 4.000 personnes sur Facebook, il lance des appels aux dons et a déjà reçu l’appui de célébrités comme les footballeurs Anthony Martial et Moussa Marega ou le groupe de rap PNL, notamment pour une mission caritative en Mauritanie. De temps à autre, un habitant lui glisse un billet dans la main et lui dit que «c’est pour ceux dans le besoin». Toujours par ses connaissances, le jeune homme peut également recevoir des coups de fil de magasins qui souhaitent offrir des denrées.
Avec l’aide «de 30 à 40 bénévoles», il «travaille particulièrement avec les plus jeunes» pour leur transmettre le sens de la responsabilité, des valeurs d’entraide et de travail. Durant le confinement, les propositions pour filer un coup de main ont abondé en nombre et il a même dû en refuser certaines. «Si je vois un jeune qui fait des conneries, je l’accueille avec plaisir car il fait l’effort de venir par lui-même».
Pour le transport des colis alimentaires, c’est également en comptant sur son réseau qu’il parvient à distribuer dans toute la région parisienne, selon les disponibilités de chacun.
Pour Youssef, l’avenir immédiat s’annonce encore compliqué au moins «jusqu’au mois de juillet car certains touchent leur paie en décalé». La fin du confinement ne sonne pas la fin des actions pour l’association qui reste sur le qui-vive. Le fondateur de l’association Nazario espère que l’élan de solidarité supplémentaire obtenu durant le confinement ne s’arrêtera pas avec le déconfinement.
«La banlieue, c’était déjà comme ça» avant le confinement, martèle à plusieurs reprises Youssef, qui a créé son asso en 2018 et œuvre dans l’associatif depuis plus de dix ans.
L’entraide, c’est son quotidien. Arrivé du Maroc à l’âge de 9 ans, il y garde des liens forts et y organise également des actions caritatives. Il a également déjà œuvré au Mali et en République démocratique du Congo. Celui qui vit «de boulots à gauche et à droite, dans la légalité», précise-t-il, se rappelle avoir fait «les 400 coups» étant plus jeune, avant de «suivre les grands qui distribuaient de quoi manger à des SDF à Paris», à 19 ans.
A cette époque, il «culpabilisait le soir en rentrant» chez lui car il n’avait pas l’impression de tout donner pour aider les gens. Aujourd’hui, cela a changé et c’est avec le sourire qu’il aide des gens dans le besoin.