Depuis le début du mois, Singapour est frappé par une deuxième vague de contaminations au coronavirus, alors que la cité-Etat pensait avoir jugulé l'épidémie. Un phénomène que craint également la Chine, qui fait face à un afflux de nouveaux cas «importés», et qui pourrait arriver en France, alertent les experts.
Une épidémie s'arrête par acquisition d'une «immunité grégaire», déclare à l'AFP le spécialiste en santé publique et en épidémiologie Antoine Flahault, directeur de l'Institut de santé global à l'Université de Genève (Suisse). «L'immunité grégaire (ou collective, NDLR), c’est la proportion de personnes immunisées contre le virus (par infection ou par vaccin quand il existe) qui doit être atteinte pour bloquer tout risque de résurgence de l'épidémie», indique-t-il.
Cette proportion dépend du «nombre de personnes que contamine chaque cas», explique pour CNews l'épidémiologiste et biostatisticienne Catherine Hill. Ce nombre, appelé R0, «est une mesure de la contagiosité de la maladie». Plus la maladie est contagieuse, plus la proportion des personnes immunisées doit être élevée pour stopper l'épidémie.
Catherine Hill estime que, dans le cas du Covid-19, une personne infectée contamine en moyenne 2,5 individus. Ainsi, selon elle, «l'épidémie s'arrêtera lorsque 60 % de la population sera immunisée». En effet, à partir de ce moment-là, chaque malade ne pourra alors contaminer en moyenne que moins d'une personne, et l'épidémie s'éteindra d'elle-même.
Pour l'Institut Pasteur, c'est même un taux de 70 % de personnes immunisées qu'il faudrait atteindre pour stopper l'épidémie. Problème, seulement 5,7 % des Français ont été infectés par le coronavirus jusque-là, révèle une étude de la très réputée fondation médicale publiée ce mardi 21 avril.
Trois vagues pour la grippe espagnole
Ce chiffre de 60 ou 70 % paraît donc impossible à atteindre d'ici à la fin du confinement, fixée au 11 mai par Emmanuel Macron. D'autant plus que le taux de contagiosité, le fameux R0, est passé en France de 3,4 début mars - selon le président du Conseil scientifique Jean-François Delfraissy -, à 0,6 aujourd'hui, a révélé le Premier ministre Edouard Philippe dimanche. Le résultat des mesures de confinement mises en place, destinées à éviter un afflux massif de patients dans les hôpitaux au même moment.
D'où la crainte d'une deuxième vague de contaminations, voire plusieurs, si aucune précaution n'est prise après la fin du confinement. Dans une étude mise en ligne le 12 avril, l'Inserm appelle ainsi à maintenir la distanciation sociale après la fin de la quarantaine, à tester massivement la population et à isoler les personnes contaminées. En effet, «la levée du confinement sans stratégie de sortie entraînerait une deuxième vague submergeant le système de santé», avertit l'institut.
Avec le risque de revivre le scénario dramatique de la grippe espagnole, apparue à la fin de la Première Guerre mondiale, à l'été 1918. Cette pandémie a provoqué trois vagues épidémiques entre 1918 et 1919, provoquant la mort de 50 millions de personnes en quelques mois, soit cinq fois plus que les combats de la Grande Guerre (10 millions de soldats tués).
La nécessité d'un vaccin
«On cherche actuellement à gagner du temps en confinant la population, car on espère réussir à trouver un vaccin», explique l'épidémiologiste Catherine Hill. En effet, un vaccin - qui ne sera pas disponible avant «mi-2021», a confié Edouard Philippe dimanche - changerait radicalement la donne, puisqu'il permettrait d'atteindre l'immunité collective sans que 60 à 70 % de la population ait besoin d'avoir été contaminée par le virus.
A moins que l'épidémie ne disparaisse d'elle-même, comme l'a affirmé mi-avril le professeur Didier Raoult, directeur de l'Institut hospitalo-universitaire (IHU) Méditerranée Infection, à Marseille. Selon lui, la pandémie pourrait «disparaître au printemps», notant qu'elle «est en train de disparaître progressivement» à Marseille, chiffres à l'appui. Interrogé par Le Parisien suite à la polémique provoquée par ses déclarations, l'infectiologue chantre de la chloroquine a réitéré ses propos. «C'est bizarre mais c'est comme ça. On ne sait pas très bien pourquoi, un certain nombre de maladies infectieuses disparaissent au printemps dans nos pays tempérés», a-t-il assuré.