A l'orée d'un long week-end de Pâques inédit pour les croyants, privés de rassemblements par l'épidémie de coronavirus, la France se prépare jeudi à une prolongation du confinement au delà du 15 avril, alors que le bilan humain continue de s'aggraver avec près de 11.000 morts.
Entamé le 17 mars et déjà prolongé une fois, le confinement se poursuivra après mardi prochain, a prévenu l'Elysée, sans préciser la durée du nouvel allongement.
Ce sera l'un des sujets de l'allocution d'Emmanuel Macron lundi soir aux Français, pour présenter ses décisions concernant la lutte contre l'épidémie dans les prochaines semaines.
En ce «jeudi saint», en France comme à travers le monde, les croyants se préparent donc à des fêtes de Pâques confinées, privés de messes et de larges réunions pour ce temps fort de leur vie spirituelle et familiale. Les célébrations du sanctuaire de Lourdes, sans pèlerins, seront retransmises sur les chaînes catholiques.
Et faute de banquets familiaux, des milliers d'agneaux de Pâques échapperont cette année à l'abattoir. Mais ce qui leur sauve la vie met en danger celle de leurs éleveurs: "On jette les fraises ou les asperges excédentaires, mais nos animaux, que va-t-on en faire?", s'inquiète Michelle Baudouin, éleveuse dans le Puy-de-Dôme et présidente de la Fédération nationale ovine.
«Sauvez des vies»
Vacances de printemps et beau temps obligent, de nouvelles restrictions de déplacements sont désormais en vigueur à Paris et dans cinq autres départements franciliens. Toute activité sportive individuelle y est interdite de 10H00 à 19H00.
Des restrictions semblables s'appliqueront dès le week-end en Alsace, région très touchée où les vacances scolaires débutent jeudi soir, pour deux semaines.
«Sauvez des vies, évitez des drames humains, restez s'il vous plaît chez vous!», a encore répété mercredi le directeur général de la Santé, Jérôme Salomon.
La France a enregistré mercredi un nouveau très lourd bilan quotidien dans les hôpitaux, avec 541 décès supplémentaires en 24 heures, soit un total de 7.632 depuis début mars. S'y ajoutent 3.237 morts déjà recensés dans les Ehpad et établissements médico-sociaux (qui n'ont pu mettre à jour leurs statistiques mercredi en raison d'un «problème technique»), soit un total de 10.869 décès.
Dans les hôpitaux, 7.148 patients gravement atteints sont en réanimation, «un record absolu en France», signe que l'épidémie «est toujours très active», a relevé Jérôme Salomon.
Aux urgences de l'hôpital de Mulhouse, «la baisse déjà perceptible la semaine dernière s'est confirmée», constate toutefois leur chef, le Dr Marc Noizet. «Le service est toujours saturé», mais «on n'a plus besoin de 15 transferts par jour comme la semaine dernière».
En Ile-de-France, afin de soulager un système hospitalier toujours en très forte tension avec plus de 2.600 personnes en réanimation, de nouvelles évacuations de malades auront lieu vendredi vers l'Aquitaine.
Lundi, le chef de l'Etat devrait également aborder la situation économique et sociale. L'épidémie, qui a mis à l'arrêt une bonne partie des activités du pays, a déjà précipité la France dans une récession historique.
La Banque de France a en effet estimé mercredi que le Produit intérieur brut (PIB) s'était effondré de 6% durant la période de janvier à mars, soit la pire performance trimestrielle depuis 1945.
«L'impact sera considérable, il est encore beaucoup trop tôt pour l'apprécier» totalement, a mis en garde le Premier ministre Edouard Philippe.
Un essai clinique stoppé
Sur le front de la recherche, les essais cliniques se poursuivent. Pour l'essai Discovery, qui porte sur quatre traitements possibles, les premières tendances ne sont pas attendues avant fin avril.
En revanche, un essai clinique qui prévoyait d'administrer à des malades une solution issue du sang d'un ver marin, pour tenter de soulager leur détresse respiratoire, a été stoppé jeudi. Son autorisation a été retirée dans l'attente d'une nouvelle évaluation.
La France poursuit aussi ses efforts pour s'approvisionner en masques, convoités par l'ensemble de la planète, où l'épidémie a fait plus de 86.000 morts.
Les «commandes sûres» atteignent désormais 1,6 milliard d'unités, selon le ministre de la Santé, et le pont aérien avec la Chine pour acheminer du matériel médical et des masques a repris via Séoul.
Le gouvernement, très critiqué sur la gestion des masques, maintient pour l'heure sa recommandation d'en réserver l'usage aux soignants et malades.
Les autorités prendront la décision de les étendre à toute la population s'il y a «un consensus scientifique», selon la porte-parole du gouvernement, Sibeth Ndiaye. Mais ce n'est pas le cas actuellement, affirme-t-elle, en soulignant que l'Organisation mondiale de la santé (OMS) ne recommande pas le port du masque de manière générale.
Sur le plan culturel, les annulations en série se poursuivent. Dernière en date: celle de la feria de Pentecôte de Nîmes, l'une des plus importantes en France, qui devait se tenir du 27 mai au 1er juin.