Déplacements à limiter au maximum, crèches, écoles et universités fermées à partir de lundi: la lutte contre le nouveau coronavirus prend un tournant après l'appel lancé par Emmanuel Macron à «faire bloc» pour freiner l'épidémie qui commence à mettre la France au ralenti.
Face à «la plus grave crise sanitaire depuis un siècle», Emmanuel Macron s'est posé en rassembleur de la Nation pour faire accepter aux Français des mesures drastiques contre le coronavirus.
Il a fait appel à «la responsabilité» de chacun en demandant à tous de limiter «au strict nécessaire» les déplacements, et aux personnes âgées de plus de 70 ans et aux plus fragiles de rester chez eux.
«La France unie, c'est notre meilleur atout dans la période troublée que nous traversons», a fait valoir jeudi le chef de l'Etat au cours d'une longue déclaration de 25 minutes depuis son bureau de l'Elysée.
Il a appelé les Français à «faire bloc» pour contrer cette épidémie, «qui affecte tous les continents et frappe tous les pays européens», «la plus grave crise sanitaire qu'ait connue la France depuis un siècle».
Emmanuel Macron a ordonné la fermeture, à partir de lundi et «jusqu'à nouvel ordre», des crèches, écoles et universités pour freiner la propagation du nouveau coronavirus, qui a tué 61 personnes et en a contaminé près de 3.000. Pour des millions d'élèves, vendredi est donc le dernier jour en classe avant une pause qui pourrait durer des semaines.
Réunion de crise à Paris
A moins de trois jours des municipales, dimanche, il a maintenu ce rendez-vous électoral, mais en prévoyant des aménagements pour éviter une longue attente aux personnes âgées, les plus vulnérables au virus.
Quelques heures après la fin de l'allocution présidentielle, la maire de Paris Anne Hidalgo a convoqué pour vendredi une réunion de crise pour «tirer toutes les conséquences» des décisions annoncées par Emmanuel Macron.
Les maires de Nantes Johanna Rolland et de Bordeaux Nicolas Florian ont annoncé jeudi soir qu'ils suspendaient leur campagne électorale pour se consacrer à la mise en oeuvre des mesures de lutte contre le nouveau coronavirus.
Selon le dernier bilan officiel, 61 personnes sont décédées et 2.876 ont été contaminées – soit près de 600 de plus en 24 heures. Il y a 129 cas graves, en réanimation.
Par précaution, le gouvernement a demandé la «déprogrammation immédiate des interventions chirurgicales non urgentes» afin de libérer des lits en réanimation, en salles de réveil et du personnel qualifié, conformément au stade 2 du «plan blanc» des hôpitaux. «Tous les moyens nécessaires» à la santé seront employés «quoi qu'il en coûte», a insisté le Président, vantant au passage les vertus de l'Etat-providence.
Face à l'accélération des contaminations, en France mais plus encore chez ses voisins italiens et espagnols, la journée de jeudi a clairement marqué un tournant et mobilisé le sommet de l’État et le gouvernement.
Nombreuses inconnues
Le Premier ministre, entouré de cinq ministres dont ceux de la Santé et de l'Intérieur, a reçu les présidents des Assemblées et des groupes parlementaires, ainsi que les chefs de partis et les présidents des associations d'élus.
De nombreuses inconnues subsistent autour de ce virus ont relevé des experts qui redoutent l'avenir. Le Pr Éric Caumes, chef du service des maladies infectieuses à la Salpêtrière, a prévenu mercredi soir que «les (services de) réanimation se remplissent de manière extrêmement rapide (...) Je vois ce qui se passe dans mon hôpital et c'est la même chose à Strasbourg, à Vannes… On sait qu'on n'en est qu'au début» a-t-il assuré sur LCI.
Le ministre de la Santé a assuré en retour que toute la stratégie du gouvernement consistait depuis le début à «préparer les hôpitaux pour éviter que (la situation) soient trop tendue» et à freiner la propagation.
En plus des foyers déjà identifiés notamment dans le Morbihan, le Haut Rhin, l'Oise ou la Corse, un nouveau point de contamination a été annoncé mercredi dans l'agglomération de Montpellier et un premier cas a été détecté jeudi en Guadeloupe. Mais la situation est aussi particulièrement tendue dans le Rhône, à Francheville près de Lyon et dans le quartier lyonnais de la Croix-Rousse, où deux établissements gériatriques ont enregistré deux décès chacun en 24 heures.
A ce stade, l'urgence sanitaire se double d'une urgence économique, illustrée notamment par la débâcle historique des places boursières : Paris a ainsi connu la plus forte chute de son histoire, clôturant à -12,3%.
Pour y répondre, Emmanuel Macron a annoncé un mécanisme «exceptionnel et massif» visant à «protéger les salariés et les entreprises», notamment par la mise en place de chômage partiel.
Déjà 3.600 entreprises ont demandé à bénéficier de mesures de chômage partiel pour environ 60.000 salariés, selon la ministre du Travail Muriel Pénicaud. Le tourisme, la restauration, l'événementiel et les transports sont particulièrement touchés.
L'Olympia, après bien d'autres, a annoncé jeudi sa fermeture jusqu'au 15 avril en raison de l'interdiction des rassemblements de plus de 1.000 personnes. Et Iggy Pop a reporté sa tournée la France d'avril à Septembre.
Dans le sport, le handball et volley ont décidé de se mette à l'arrêt. La Fédération française de football (FFF) a suspendu toutes ses compétitions et activités «jusqu'à nouvel ordre», à commencer par la D1 féminine.
La Ligue de football professionnel doit se réunir vendredi matin pour décider ou non de suspendre la L1 et la L2, ces deux compétitions étant pour le moment prévues à huis clos.