Au lendemain d'un virulent réquisitoire réclamant de la prison ferme pour l'ex-Premier ministre François Fillon, la défense tente mercredi, au dernier jour du procès, de convaincre le tribunal que les emplois de son épouse Penelope étaient bien réels.
Les six avocats des époux Fillon et de Marc Joulaud, ancien suppléant de François Fillon à l'Assemblée, se succéderont à partir de 10h pour plaider la relaxe et démonter une enquête qu'ils estiment «à charge».
Le parquet national financier a requis mardi une lourde peine contre l'ancien champion de la droite, dont la campagne présidentielle en 2017 avait été pulvérisée par cette affaire: cinq ans d'emprisonnement dont deux ferme, l'amende maximale de 375.000 euros et dix ans d'inéligibilité, bien qu'il soit retiré de la vie politique.
Les procureurs ont demandé trois ans avec sursis et 375.000 euros d'amende contre Penelope Fillon. Et deux ans avec sursis et 20.000 euros d'amende contre M. Joulaud, actuel maire de Sablé-sur-Sarthe et candidat à sa réélection.
Au sortir de l'audience mardi, l'avocat de François Fillon Antonin Lévy avait critiqué les «généralités» assénées par le PNF, qui «en droit ne vont pas tenir très longtemps».
La défense a prévu d'attaquer d'abord les prétentions financières de l'Assemblée nationale, seule partie civile au procès. Elle entend ensuite soulever la prescription des faits, avant d'aborder le fond des accusations de détournement de fonds publics et de complicité et recel d'abus de biens sociaux.
Depuis le début de cette affaire, révélée par un article du Canard enchaîné en janvier 2017, François Fillon, premier candidat à une présidentielle visé par une enquête en pleine campagne, a dénoncé une procédure «d'exception» et constamment défendu le travail de sa discrète épouse.
Toute la question est de savoir si les activités de Mme Fillon dans la Sarthe auprès de son mari député et du suppléant de ce dernier, Marc Joulaud, méritaient d'être rémunérées dans le cadre de contrats d'assistante parlementaire.
Entre 1998 et 2013, cette Galloise a perçu au total 613.000 euros nets -un million d'euros bruts- au titre de trois contrats connus seulement de quelques proches, pour un travail aux preuves matérielles quasi inexistantes.
«Séparation des pouvoirs»
Au cours des débats, houleux, les Fillon ont décrit des tâches certes majoritairement orales, mais indispensables à la carrière de l'homme politique.
Selon eux, Penelope Fillon assurait un rôle de «donneur d'ordres» pour le courrier arrivé chez eux au manoir de Beaucé -lieu de résidence sarthois du couple-, participait à des événements locaux, recueillait les doléances d'habitants... Autant de travaux rentrant dans les larges attributions d'un collaborateur parlementaire.
François Fillon a plusieurs fois brandi la «séparation des pouvoirs» s'agissant du détail des tâches et des salaires. Il s'est évertué à convaincre le tribunal que ce travail est d'autant plus varié lorsque le collaborateur est le conjoint, une pratique désormais interdite.
«Il n'est pas contesté que le parlementaire définit librement les tâches à accomplir», ont rétorqué les procureurs. Mais encore faut-il que «celles-ci se rattachent à l'exercice de ses fonctions», ont-ils insisté.
Pour eux, Mme Fillon, bien qu'active socialement et «investie auprès de son mari», n'était que «l'épouse» du député.
Durant l'enquête, la défense avait produit de très nombreux documents censés attester de la réalité de ce travail. L'examen de ces pièces, balayées par les juges d'instruction, s'est révélé douloureux pour les prévenus, la présidente demandant régulièrement à Mme Fillon son «rôle» concret ou des exemples précis, sans obtenir de réponse claire.
Plus inattendu, les défenseurs de François et Penelope Fillon ont versé aux débats une trentaine de témoignages surprise sur lesquels ils devraient insister mercredi : des Sarthois y décrivent, sans avoir été entendus pendant l'enquête, diverses activités qu'aurait exercées Mme Fillon pour le compte de son mari.
Les avocats défendront également la réalité du travail de «conseiller littéraire» de Penelope Fillon au sein de la Revue des deux mondes du milliardaire Marc Ladreit de Lacharrière, ami de son époux.
A l'issue des plaidoiries, le tribunal mettra son jugement en délibéré. En vertu de la réforme des peines devant entrer en vigueur ce mois-ci, une peine qui excéderait un an ferme ne serait pas aménageable.