L'article 49 alinéa 3 de la Constitution consiste à faire passer un projet de loi sans le vote des parlementaires. Elisabeth Borne l'a utilisé jeudi 16 mars 2023 pour faire passer la réforme des retraites. La Première ministre a déjà eu recours à cette arme législative à onze reprises au total.
Gouvernement d'Elisabeth Borne
La Première ministre Elisabeth Borne a engagé l'article 49.3 ce jeudi 16 mars, pour la 100e fois depuis le début de la Ve République. Un triste anniversaire qui a déclenché la colère des députés, avant de potentiellement relancer la mobilisation de la rue.
Elle avait également engagé la responsabilité de son gouvernement dans le but de faire adopter le budget de 2023, à dix reprises, selon un décompte officiel de l'Assemblée nationale.
«En responsabilité, nous devons donner un budget à notre pays», avait fait valoir devant les députés la cheffe du gouvernement en octobre dernier, privée de majorité absolue à l'Assemblée, en expliquant que «les oppositions ont toutes réaffirmé leur volonté de rejeter le texte».
Gouvernements d'Edouard Philippe
Edouard Philippe a eu recours au 49.3 une seule fois, dans le but de faire passer le projet de réforme des retraites par points... Qui avait finalement été repoussé avant d'être complètement mis de côté puis abandonné pour cause de pandémie.
Avant cela, son gouvernement avait procédé plutôt par ordonnances notamment concernant le statut de la SNCF, pour la loi Pacte ou le projet de loi santé. En droit constitutionnel français, une ordonnance est une mesure prise par le gouvernement dans des matières relevant normalement du domaine de la loi.
En juillet 2017, Emmanuel Macron inaugurait d'ailleurs son quinquennat par un projet de loi uniquement composé d’ordonnances pour réformer le code du travail. Une réforme menée par Muriel Pénicaud, la ministre du Travail de l'époque, sous la responsabilité d'Edouard Philippe.
GOUVERNEMENTS De MANUEL VALLS (31 MARS 2014 - 6 DÉCEMBRE 2016)
En tant que Premier ministre, Manuel Valls a eu recours à six reprises à l'article 49.3. Il l'avait utilisé pour faire adopter la loi Macron sur la croissance (les 17 février, 16 juin et 9 juillet 2015). Puis trois autres fois pour le projet de loi El Khomri sur la réforme du Code du Travail en 2016.
Son successeur, Bernard Cazeneuve (6 décembre 2016 – 15 mai 2017), n'y a, lui, pas eu recours.
GOUVERNEMENT DE DOMINIQUE DE VILLEPIN (MAI 2005 - 15 MAI 2007)
Le 9 février 2006, Dominique de Villepin utilise le 49.3 pour faire passer le projet de loi pour l'égalité des chances qui inclut le très contesté contrat première embauche (CPE). Le projet de loi sera adopté, mais la mobilisation massive de la rue finira par signer la mort du CPE, qui sera abrogé.
GOUVERNEMENT DE JEAN-PIERRE RAFFARIN (MAI 2002-MAI 2005)
Jean-Pierre Raffarin s'est saisi deux fois de l'article 49.3. Alors que la gauche et l'UDF ont déposé quelque 13.000 amendements sur sa réforme des modes de scrutin régional et européen, il décide une première fois le 15 février 2003 d'engager la responsabilité de son gouvernement.
Une motion de censure déposée par l'opposition de gauche est rejetée. Le 27 juillet 2004, Jean-Pierre Raffarin utilise à nouveau le 49.3 pour le projet de loi relatif aux libertés et responsabilités locales qui favorise la décentralisation. Une motion de censure déposée par la gauche est rejetée.
GOUVERNEMENTS D'ALAIN JUPPÉ (MAI 1995-JUIN 1997)
Le Premier ministre de Jacques Chirac a recours à deux reprises à l'article 49.3 : en décembre 1995 pour faire passer le projet de loi l'autorisant à légiférer par ordonnances pour réformer la protection sociale, puis en juin 1996 pour faire adopter le projet de loi sur le statut de France Télécom, avant la fin de la session parlementaire. Dans les deux cas, l'opposition réplique en déposant une motion de censure.
GOUVERNEMENT D'EDOUARD BALLADUR (MARS 1993-MAI 1995)
Disposant d'une majorité écrasante à l'Assemblée nationale, Edouard Balladur n'utilise l'article 49.3 qu'une seule fois. Il engage la responsabilité de son gouvernement pour couper court à «l'obstruction parlementaire» menée selon lui par l'opposition, qui a déposé quelque 3.800 amendements contre le projet de loi sur les privatisations d'entreprises publiques. Une motion de censure de l'opposition est rejetée.
GOUVERNEMENT DE PIERRE BEREGOVOY (AVRIL 1992-MARS 1993)
L'article 49.3 est utilisé trois fois par le Premier ministre. Malgré une opposition très offensive à l'approche des élections, le gouvernement échappe sans difficulté à deux motions de censure et limite ses recours à l'article 49.3 à trois textes dont celui sur la maîtrise des dépenses de santé, le fonds de solidarité vieillesse et le budget 1993.
GOUVERNEMENT D'EDITH CRESSON (MAI 1991-AVRIL 1992)
Le Premier ministre fait usage à huit reprises de l'article 49.3, pour faire passer en force quatre projets de loi dont le budget 1992. L'opposition déposera au total quatre motions de censure, dont deux concerneront le 49.3.
GOUVERNEMENTS DE MICHEL ROCARD (MAI 1988-MAI 1991)
Faute de majorité absolue au Parlement, le Premier ministre engage à 28 reprises la responsabilité de son gouvernement en ayant recours à l'article 49.3.
L'opposition réplique en déposant cinq motions de censure, qui seront à chaque fois rejetées. Quinze textes sont adoptés grâce au 49.3, notamment la loi créant le Conseil supérieur de l'audiovisuel, la réforme du statut de la Régie Renault et la loi de programmation militaire 1990-1993.