C'est une question légitime qui se pose : la France pourrait-elle dépêcher un contingent de ses sapeurs-pompiers en Australie pour lutter contre les dramatiques incendies ? Une initiative solidaire qui serait en réalité très compliquée à mettre en place, et dont l'efficacité n'est pas certaine.
Si Emmanuel Macron a bien «offert notre aide opérationnelle immédiate» au Premier ministre australien ce dimanche 5 janvier, plusieurs questions concrètes restent en suspens en raison de la particularité géographique de l'Australie. Des interrogations auxquelles le commandant Michel Persoglio, des sapeurs-pompiers du Var, a donné sa propre réponse sur les réseaux sociaux. Et il parle d'expérience, puisqu'il a déjà œuvré sur des «méga-feux» à l'étranger : en Malaisie, en 1997. A l'époque, 4 millions d'hectares avaient alors été ravagés en Asie du Sud-est.
Selon le gradé, «la dimension des sinistres actuels en Australie ne peut être comparée à rien de ce que nous avons vécu dans le temps». Alors que plus de 5,5 millions d'hectares [soit plus que le Danemark ou les Pays-Bas] sont déjà partis en fumées en Australie, cela ne ressemble à rien de ce qu'on a vécu en France, «même en 2003 dans le Var, même en 1989-1990, même en 1970 et même en 1949 dans les Landes de Gascogne (région du sud-ouest parcourue par des incendie ayant totalisé approximativement 80.000 ha)», souligne ce commandant du Service départemental d'incendie et de secours (SDIS) du Var.
D'une part, le problème serait d'acheminer des pompiers en Australie, et surtout leur matériel. «Pour aller en bateau dans cette zone, c'est entre 25 et 30 jours de mer pour emmener des moyens terrestres de lutte sur place», indique Michel Persoglio. Une durée très longue que l'on retrouve sur des sites internets de cargo. A moins de les faire voyager dans des avions militaires de l'armée française.
«Je lis aussi qu'on peut engager des avions bombardiers d'eau. Là aussi, ça part d'un bon sentiment. Mais comment les emmène-t-on sur place ? Ils n'ont pas la capacité de vol entre la Réunion (par exemple) et un aéroport australien. On doit donc les emmener par bateau», ajoute-t-il.
Une zone à défendre trop vaste ?
D'autre part, c'est l'immensité de cette île-continent qui constitue un handicap, selon l'avis de ce commandant du SDIS83 : «dans nos organisations opérationnelles, on s'appuie sur des infrastructures : des routes, des pistes, des points d'eau, des réseaux radio, etc. Il faut bien penser qu'en Australie, les distances sont incomparables avec ce qu'on connait ! Les réseaux d'hydrants [les bornes d'incendie, ndlr] ne sont pas ceux que nous connaissons».
Et Michel Persoglio de donner un exemple frappant : «il est possible que les engins doivent aller faire le plein d'eau à des distances énormes : le feu est à Toulon et l'hydrant ou le point d'eau le plus proche est à Arles ou à Nîmes... Les zones habitées étant très restreintes elles sont seules équipées de réseaux d'eau. Mais le feu ne connait pas de limites».
Enfin, le commandant décrit une situation désespérée sur place : «ce sont des feux de brousse, rapides (végétation divisée) et puissants (végétation dense) ; les arbres sont majoritairement des eucalyptus, qui sont des bombes incendiaires, bien pire que les pins provençaux car pleines d'essences volatiles». En bref, il n'est pas possible pour les pompiers de combattre les flammes mais seulement «d'essayer de protéger les vies humaines et les biens». Michel Persoglio évoque ainsi un «impossible opérationnel», qui fait douter de la pertinence des efforts qu'il faudrait fournir pour envoyer des pompiers français.
En dehors de la France, l'aide internationale est ainsi relativement rare en Australie. Environ une centaine de pompiers sont venus des Etats-Unis, près de 90 du Canada et trois hélicoptères NH-90 avec leurs équipages, deux sections du Génie et un élément de commandement depuis la Nouvelle-Zélande.
Pour avoir un ordre d'idée, le service incendie de la Nouvelle-Galles du Sud (l'état de Sydney) comprend 6.800 pompiers, équipés de plus de 500 véhicules d'intervention, et répartis dans 339 casernes sur un territoire de 809.000 km². La brigade des sapeurs-pompiers de Paris, elle, dispose de 8.000 soldats du feu pour une zone d'intervention de 760 km². Enfin, le bataillon de marins-pompiers de Marseille accueille 2.400 personnes, qui s'ajoutent aux 1.230 pompiers dotés de 1500 véhicules du Service départemental des Bouches du Rhône, pour une zone de 5.000 km2.