Psychiatres, généralistes, praticiens hospitaliers ou encore professeurs de médecine... Dans une tribune publiée lundi 18 novembre sur le site internet de L'Obs, 65 médecins appellent à agir «pour repérer et prévenir les violences conjugales et sexuelles.»
Ils sont en première ligne et veulent mobiliser davantage leurs confrères et l'ensemble des professionnels de santé.
Ainsi, alors que les signataires rappellent d'abord qu'une récente enquête du Centre Hubertine Auclert pour l'égalite femmes-hommes a révélé que les médecins de 11 centres médico-psychologiques «déclarent ne jamais ou rarement recevoir des femmes victimes de violences», les données qu'ils mettent en avant sont plus contrastées.
«Deux à trois femmes victimes de violences en une seule journée de consultation»
«Le docteur Marie Le Bars (praticien hospitalier, CHS Saint-Cyr-au-Mont-d'Or), disent-ils, établit ainsi dans sa thèse qu'un médecin généraliste reçoit en consultation, sur une moyenne de 25 patients par jour, entre 2 et 3 femmes victimes de violences conjugales.»
De son côté, «le professeur Gilles Lazimi affirme qu'une patiente sur 4 consultant a été victime de violences au cours de la vie», comme le stipule le texte, dont ces deux médecins sont les initiateurs.
TRIBUNE. 1 femme sur 10 victime de violences conjugales. Pourquoi ces femmes victimes ne sont-elles pas repérées ?
Nous, médecins signataires de cette tribune, appelons nos consœurs et confrères à jouer un rôle majeur dans la détection des violences. https://t.co/iqF7no1iwz— L'Obs (@lobs) November 18, 2019
Dans ce contexte, les signataires proposent donc de reconnaître le médecin comme «personne ressource, premier recours de la femme victime» et appellent les praticiens à se saisir systématiquement des outils de dépistage comme des questionnaires simples, qui existent déjà.
Ils réclament aussi l'ouverture de formations et leur financement par les ministères concernés ainsi que des dispositifs de réseaux de prise en charge coordonnée associant professionnels et associations, pour notamment assurer ces formations.
Opposés à la levée du secret médical
«Nous demandons que les médecins soient formés pour pouvoir interroger et accompagner les femmes, mais il ne s'agit en aucun cas de lever le secret médical», a toutefois précisé à l'Agence France-Presse le docteur Gilles Lazimi.
Pour ce médecin généraliste, également professeur associé en médecine générale à Sorbonne-Université et militant associatif membre de SOS Femmes 93 et du Collectif féministe contre le viol, «le médecin doit accompagner la femme en respectant son choix, c'est elle qui doit porter plainte».
«Lever le secret médical serait rompre le lien de confiance», conclut-il.
Une déclaration qui intervient au lendemain de celles émises par la ministre de la Justice, qui, la veille, avait déclaré dans le JDD être «favorable» à une levée du secret médical.
Violences conjugales : ce que révèle le rapport qui vient d'être remis à la ministre de la Justice https://t.co/v2H3lMUbWt pic.twitter.com/t7Ys7yAQEE
— Le JDD (@leJDD) November 17, 2019
Nicole Belloubet précisant qu'une telle levée interviendrait «notamment pour résoudre les situations dans lesquelles la victime ne peut pas saisir la justice, et si cela une possibilité offerte au médecin».
«Il est nécessaire de dépasser le secret médical. Ça fait appel à l'éthique du médecin : s'il voit qu'une femme se fait massacrer, ça me choquerait qu'il ne le dise pas», avait-elle par ailleurs avancé.