L’heure de la mobilisation a sonné. Alors qu’au moins 100 femmes ont été tuées par leur conjoint ou ex-conjoint depuis le début de l’année, le gouvernement lance, ce mardi 3 septembre, son très attendu Grenelle des violences conjugales.
Articulée autour de trois axes (prévention, prise en charge des victimes et sanctions appliquées aux auteurs), l’initiative doit apporter des réponses concrètes afin d’accentuer la lutte contre les féminicides.
Elle va devoir toutefois convaincre les associations, en passant des paroles aux actes. Un challenge que Marlène Schiappa, la secrétaire d’Etat à l’Egalité femmes-hommes, qui porte ce dossier, se dit prête à relever.
En quoi va consister ce Grenelle des violences conjugales ?
Ce Grenelle, introduit aujourd’hui à Matignon par le Premier ministre Edouard Philippe, est un moment capital.
Il consiste à rassembler pour la première fois toutes les parties prenantes autour de la table pour mettre fin à ce fléau. Administrations, associations, policiers, magistrats, soignants… travaillent encore trop souvent en silos.
Le but n’est pas de se blâmer les uns les autres mais de prendre à bras-le-corps la lutte contre les violences conjugales.
Les ministres Christophe Castaner (Intérieur), Nicole Belloubet (Justice) Julien Denormandie (logement) Adrien Taquet (enfance), Sophie Cluzel (handicap), Annick Girardin (outre-mer), Jean-Michel Blanquer (Éducation) Sibeth Ndiaye (Porte-parole) et moi-même, seront également présents pour assurer de la pleine mobilisation de l’État.
La société est prête à considérer les féminicides comme un fléau et plus comme une fatalité
A Paris et en régions, des groupes de travail se réuniront ensuite jusqu’au 25 novembre, journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, pour travailler sur des sujets plus spécifiques.
Pourquoi le lancer maintenant ?
Parce que la société me semble prête à considérer les féminicides comme un fléau et plus comme une fatalité. Il s’agit d’une demande des associations depuis 2008. Et cela n’a jamais été fait auparavant.
Nous le lançons le 3 septembre 2019 en écho au 39 19, le numéro «Violences Femmes info» qui est encore trop peu connu. C’est pour cela que le Grenelle sera accompagné d’une campagne de communication, en plus des politiques publiques. Les mentalités doivent changer.
Il est prévu que Brigitte Macron s’engage pour cette cause. Quel sera son rôle ?
Brigitte Macron est très sollicitée par les femmes, qui lui écrivent beaucoup, se confient à elle. Et elle a cette capacité de mettre l’accent sur des sujets de société.
C’est un engagement du Président de la République qui a fait de l’égalité entre les femmes et les hommes la grande cause du quinquennat et a lancé un grand plan de lutte contre les violences faites aux femmes dès le 25 novembre 2017.
Il est très attentif à ce que des actions fortes et concrètes soient prises pour combattre les violences. Dans tous les cas, nous avons besoin que des personnalités populaires et l’ensemble des citoyens s’engagent autour du 39 19.
Le 3/9/19, je partage le 3919 ! Parce que trop peu de personnes connaissent ce numéro d’écoute, le @gouvernementFR lance une grande campagne de communication. #Réagir3919 #GrenelleViolencesConjugales pic.twitter.com/DpC0ZMaSWb
— MarleneSchiappa (@MarleneSchiappa) September 2, 2019
C’est pourquoi une grande campagne est également lancée à la fois à la télévision, à la radio et sur les réseaux sociaux, avec la participation notamment de Harry Roselmmack, Sylvie Tellier, Robert Pirès, les chanteuses Les Brigitte ou encore l’animateur Christophe Beaugrand, Louane, Vanessa Demouy, la romancière Tatiana de Rosnay, et d’autres. Je veux qu’aujourd’hui tout le monde se demande : qui, autour de moi, aurait besoin du 39 19 ?
On peut penser à une prise de parole de la Première dame par exemple ?
Brigitte Macron pourrait s’engager dans un deuxième temps, quand l’intérêt médiatique sera peut-être un peu retombé. Cela permettra ainsi de maintenir la pression collective sur le sujet.
Que répondez-vous à ceux qui dénoncent un «effet de com'» ?
Je suis un peu blasée des critiques formulées avant même que les événements aient lieu et les décisions annoncées. A vrai dire, je peux même déjà deviner ce qui sera écrit sur les slogans négatifs des gens qui diront n’être pas satisfaits du gouvernement, par principe parce que c’est le gouvernement, alors que ce Grenelle est demandé par les experts de terrain.
Moi, je ne veux pas rentrer dans ce jeu de dupes ou engager une espèce de face à face. La cause mérite que l’on avance tous ensemble. J’ajoute que la communication reste nécessaire, surtout lorsque l’on voit que des femmes sont mortes sans connaître le 39 19, ou les dispositifs existants.
Quand vous ne communiquez pas sur un dispositif, personne ne le connaît, personne ne s’en saisit, et c’est comme s’il n’existait pas ! Alors il faut toujours communiquer plus. J’ai d’ailleurs engagé des moyens exceptionnels pour faire face au surcroît d’appels au 39 19 que j’espère.
Tous les aspects des violences conjugales seront-ils traités à l'occasion de ce Grenelle ?
Oui ils le seront tous. Notre but est vraiment d’avoir une approche globale. Nous aborderons à la fois la prévention mais aussi l’accompagnement, les sanctions et la manière dont les lois peuvent réellement s’appliquer partout sur le territoire de façon assez sévère pour que ce soit dissuasif.
Bien sûr, la protection de l’enfance - un volet qui me paraît très important – sera également abordé. Car les enfants sont aussi des victimes des violences conjugales, j’ai d’ailleurs renforcé la loi en ce sens l’an dernier.
Des associations ont appelé à ne pas oublier les LGBT+…
Aucune victime ne sera oubliée des politiques publiques, et c’est pour cela que nous travaillerons avec une association spécialiste lors du Grenelle.
[ Tribune ] Plusieurs associations et personnalités appellent à ne pas oublier les violences au sein des couples LGBT+. https://t.co/1yT6osVO0l
— Komitid (@komitid_fr) September 1, 2019
Je suis en charge non seulement de l’égalité entre les femmes et les hommes mais aussi de la lutte contre les discriminations. Les violences conjugales doivent se combattre partout, dans tous les couples…
Le cap des 100 féminicides a été franchi. N'a-t-on pas perdu trop de temps ?
Nous avons en effet perdu des siècles. D’après les anthropologues, les violences conjugales existent depuis l’Antiquité. Pour la première fois, un gouvernement en fait un sujet majeur d’action, quitte à mettre sur la table ce qu’on a parfois préféré cacher faute de savoir comment prendre la question.
Quand vous avez affaire à quelqu'un qui est déterminé à tuer, c'est très difficile de l'en empêcher
A chaque fois qu’une femme est tuée par son conjoint, c’est glaçant. Quand vous avez affaire à quelqu’un qui est déterminé à tuer, c’est très difficile de l’en empêcher : il faut une mobilisation de la société tout entière pour éradiquer les violences conjugales.
Des familles de victimes déplorent de ne pas avoir été invitées. Que prévoyez-vous ?
J’ai contacté ces familles immédiatement. Il m’est insupportable que des gens qui ont vécu l’horreur avec un féminicide ne puissent pas être écoutés par les pouvoirs publics quand ils le souhaitent.
Les victimes de violences conjugales se comptent chaque année par milliers et, par définition, à Matignon, le nombre de places est limité mais les Préfets se sont formidablement mobilisés et plus de 100 Grenelle locaux sont organisés, que chacun puisse participer.
Cela étant dit, pour entendre toutes les familles qui le souhaitent sans exception, j’organise, ce jeudi 5 septembre, spécialement pour elles un temps de portes ouvertes à mon ministère (pour s’inscrire : [email protected]).
Certaines associations, comme «Osez le féminisme», se plaignent également de ne pas avoir été invitées...
D’abord saluons ceci : il y a trois mois, on nous disait que personne ne voudrait participer au Grenelle des violences conjugales et aujourd’hui, on voit qu’il y a une demande de toutes parts, donc une reconnaissance de l’utilité de cette méthode.
Tout comme il n’est pas possible d’inviter en même temps les milliers de proches de victimes, il n’est pas possible de convier des centaines d’associations féministes.
Nous avons associé dès le début celles qui mènent un vrai travail d’accueil et accompagnement des victimes au quotidien, et qui ont depuis des mois contribué activement à l’organisation de ce Grenelle des violences conjugales : Centre d’information des femmes et familles, Fondation des femmes, Planning familial, Fédération nationale solidarité femmes, Maison des femmes, Une femme un toit, etc.
Leur porte-parole indique pourtant vous avoir envoyé un e-mail en date du 23 juillet...
Cette association a mené dans le passé un travail important de plaidoyer mais durant ces mois de préparation, n’a jamais fait acte de proposition de travailler.
Ses membres qui le souhaitent désormais pourront bien sûr être associées aux Grenelle locaux, nous incluons le plus largement possible même les associations qui nous contactent à la dernière minute.
Ma porte est toujours ouverte pour travailler ensemble, j’ai toujours reçu les associations qui avaient des propositions concrètes, même celles qui sont politisées d’ailleurs.
Après, d’autres se sont exprimés au contraire pour dire que ce Grenelle ne devait pas devenir «une foire aux associations» pour laisser les représentants des collectivités, police, justice, etc prendre des engagements. Nous faisons au mieux pour que tout le monde prenne sa part.
La plupart des associations disent néanmoins que rien ne se fera sans argent et qu’il faut mettre un milliard d’euros sur la table...
Il n’y a pas d’argent magique. Si on avait la certitude qu’en faisant un chèque d’un milliard d’euros il n’y aurait plus aucun féminicide, nous le signerions dans la seconde. Sauf que ça ne marche pas comme ça.
La question c’est un milliard pour faire quoi ? D’abord on construit les politiques publiques, ensuite on les finance. Pas l’inverse.
Nous annoncerons évidemment les financements en face des nouvelles politiques publiques construites et budgétisées sérieusement. Ensuite, gare aux chiffres, ce milliard est réclamé sur la base d’une fausse information.
Cette somme est pourtant évoquée dans le cas de l’Espagne, en pointe dans la lutte contre les féminicides...
Tout le monde dit qu’il y a eu en Espagne un milliard d’euros engagés mais ce n’est pas vrai. Je travaille beaucoup avec les autres pays dans les instances multilatérales dans le cadre de la diplomatie féministe.
Les Espagnols ont fait des choses formidables : parler de terrorisme machiste, des juridictions spécialisées ou des bracelets d’éloignements mais n’ont jamais engagé un milliard d’euros, même Mariano Rajoy l’a confirmé.
Il s’agit d’une déclaration d’intention sur cinq ans en faveur de l’Egalité femmes-hommes au global, donc un milliard divisé par cinq (c’est-à-dire en fait moins que ce que nous mettons en France par an, 530 millions) et cette somme (non dépensée) concernera aussi bien le sport féminin que les formations en entreprise.
La semaine dernière, le collectif «Nous Toutes» a indiqué que le budget alloué aux violences sexistes et sexuelles avait augmenté de seulement 1,26 %. Que lui répondez-vous ?
Là encore, c’est faux. On additionne des choux et des carottes. Il y a eu une hausse de 30 % en 2019 des subventions allouées aux associations qui traitent de violences conjugales (79 millions au total en 2019, ndlr).
Le 1,26 % correspond en fait au lancement d’un fonds spécial d’un million d’euros cette semaine pour les associations locales de terrain baptisé «Fonds Catherine contre les féminicides».
Pourquoi «Catherine» ? Parce qu’il y a, en France, autant de femmes victimes de violences que de femmes qui s’appellent «Catherine» (environ 220.000, ndlr).
Cette somme vient donc en supplément des fonds qui sont déjà alloués et est spécifiquement dédiée aux allocations locales et de terrain. Et ces sommes seront attribuées en local et en concertation directe, ce qui réjouit les petites associations de terrain. Un million d’euros ce n’est pas rien.
Les politiques publiques qui naîtront de ce Grenelle seront-elles rapidement financées alors qu’à la fin du mois de novembre le budget aura déjà été voté ?
Oui bien sûr. On ne peut pas de toute façon engager de nouvelles politiques publiques sans mettre le financement nécessaire en face.
Par ailleurs, en 2019, je rappelle qu’au total, ce sont quelque 530 millions d’euros qui sont dédiés au total à l’égalité femmes-hommes. C’est sans précédent.
Nous parlions de l'Espagne. Il y a, dans ce pays, 23.000 ordonnances de protection délivrées, contre 1.300 en France. Pourquoi ?
Nicole Belloubet, la ministre de la Justice, a envoyé une circulaire à tous les parquets pour leur demander de multiplier considérablement les ordonnances de protection.
Il y a un écart trop grand entre l’impulsion donnée par le gouvernement et la réalité du terrain dans la prise en charge des femmes victimes de violences conjugales. Et cela fait partie de la raison d’être du Grenelle.
Êtes-vous favorable à la mise en place de tribunaux spécialement dédiés aux violences conjugales comme c’est le cas chez notre voisin ibérique ?
Je pense avant tout qu’il est primordial d’avoir des magistrats formés à ces questions et dotés de moyens suffisants. Le bémol soulevé par les experts sur les tribunaux spécialisés, c’est qu’il est difficile d’en mettre partout et cela peut donc introduire une inégalité territoriale.
En ce sens, pour moi, la question des délais est beaucoup plus importante que celle de la spécialisation. Mais la ministre de la justice qui est pleinement investie pour protéger les femmes sera présente pour la totalité du Grenelle pour avancer tous ensemble là-dessus.
Des victimes déposent parfois plusieurs plaintes sans que rien ne bouge et déplorent d’être parfois mal reçues dans les commissariats...
Quand les femmes entendent cela, il est ensuite difficile de les inciter à aller déposer plainte. Pour les aider, nous avons créé avec le ministre de l’Intérieur une plate-forme de signalement en ligne des violences sexuelles et sexistes qui permet d’échanger avec deux unités de policiers et de gendarmes spécialement formés pour cela.
C’est un grand pas en avant qui permet de préparer au mieux la plainte qui se fera ensuite au commissariat. J’ajoute que nous avons également lancé le recrutement de 73 psychologues qui vont accompagner les victimes.
Ce qui ne nous a pas empêché de travailler en complément à une meilleure formation des policiers.
Des médecins suggèrent à ce que la police puisse davantage prendre les plaintes directement dans les structures accueillant des femmes victimes. Qu’en pensez-vous ?
C’est un sujet majeur. Avec le député Philippe Chalumeau nous avons lancé une structure à Tours qui fait à la fois unité médicale et unité de police.
Elle permet donc aux victimes d’être soignées et de porter plainte. Nous travaillons aussi avec l’association FIT (Une femme, un toit) à la création d’un lieu unique national de même nature. La Maison des femmes en Seine-Saint-Denis propose aussi cela le mercredi.
En France, le recours aux bracelets d’éloignement est prévu pour l’an prochain. S’agira-t-il d’une expérimentation ou d’une généralisation ?
Les bracelets d’éloignement permettent de maintenir à distance les conjoints ou ex-conjoints violents en alertant automatiquement les forces de l’ordre. Une loi est en préparation et sera présentée cet automne.
#GrenelleViolencesConjugales « Des dispositions existent au niveau de la Justice qui ne sont pas assez utilisées. Ordonnances de protection, TGD... La ministre de la Justice sera présente et prendra des engagements ! » @MarleneSchiappa #SansDetours pic.twitter.com/6zBTrBy4sy
— Avec Marlene (@Avec_Marlene) September 1, 2019
La question d’une expérimentation ou d’une généralisation sera débattue lors du Grenelle. La volonté du gouvernement est de mettre en place ces bracelets pour aller plus loin par rapport au téléphone grave danger qui lui existe déjà mais c’est à la victime de l’actionner pour alerter les policiers. Un téléphone sur trois n’est pas attribué et cela aussi doit changer.
Les associations demandent plus d’hébergements durables pour les victimes. Seront-elles entendues ?
Appeler le 115 (numéro d’urgence d’hébergement, ndlr) n’est pas une bonne solution pour reloger les femmes victimes de violences conjugales.
Nous avons donc besoin de faire un gros travail pour développer ces hébergements en quantité et qualité adaptées, y compris pour les enfants. Il faut avant tout retravailler le maillage territorial et cela sera l’un des axes forts de ce Grenelle.
La lutte contre les violences conjugales passe aussi par l’Éducation. Êtes-vous favorable à la mise en place au collège d’un brevet de non-violence ? (NB : sur le modèle de l’ASSR, l’attestation de sécurité routière)
J’y suis favorable à titre personnel. C’est même une idée que j’ai défendue, comme beaucoup d’autres militantes, lorsque j’étais présidente d’association.
Cela demande un engagement profond de l’Éducation nationale. Ce sujet fera donc partie des discussions du Grenelle.
Mais, d’une façon générale, je suis favorable à une prévention précoce sur toutes les formes de violences car nous sommes dans une société de plus en plus violente.
Preuve en est avec la montée des violences homophobes, racistes, antisémites, et bien sûr des agressions envers les femmes. Cette forme d’ensauvagement de la société est effarante et inacceptable.
Vous êtes très active sur Twitter et certains n’hésitent pas à directement vous interpeller pour signaler des faits de violences conjugales. C’est une bonne idée ?
Je comprends qu’il y ait des gens démunis qui se tournent vers les réseaux sociaux. J’ai organisé une veille permanente pour essayer de ne pas passer à côté des appels au secours… mais ce n’est pas la bonne méthode.
De l’extérieur, on a l’impression que ça l’est pourtant parce qu’on voit les résultats «en direct» en quelque sorte. Je rappelle pourtant que la grande majorité des interpellations ne se voient pas.
Je comprends que des gens démunis se tournent vers les réseaux sociaux [...] mais ce n'est pas la bonne méthode
Les policiers ou gendarmes ne postent pas des tweets pour rendre compte de leurs nombreuses interventions. En plus de la plate-forme de signalement des violences sexuelles et sexistes, nous avons lancé, en juin dernier, le compte Twitter Arrêtons Les ! qui centralise toutes les informations permettant aux victimes de connaître leurs droits et de se défendre.
Dans le cadre du Grenelle, les citoyens qui le souhaitent peuvent-ils vous envoyer des propositions ?
Absolument. Des groupes de travail d’experts seront mobilisés jusqu’au 25 novembre mais chacun peut écrire aussi à l’adresse [email protected].
Nous avons pour le moment beaucoup de témoignages de personnes qui veulent nous faire part de leur parcours ou celui de proches. Cela nous permet de voir des similitudes entre tous ces témoignages, en plus des nombreuses études et rapports dont nous disposons déjà.
Qu’est-ce qui vous a le plus interpellé dans ces contributions ?
Je ne les découvre pas, étant engagée sur ces questions depuis l’adolescence comme bénévole, élue locale, etc. Mais le plus insupportable c’est bien sûr un cas de plainte déposée mais auquel il n’a pas été donné de suite.
Dans le même temps, il arrive aussi parfois que la victime soit la personne la plus difficile à convaincre de porter plainte. Elle peut être ou avoir été amoureuse de la personne qui la frappe, elle peut avoir des liens de dépendance économique, ils peuvent aussi parfois avoir des enfants en commun et donc la victime va se dire «je pense à mes enfants».
Ce n’est sans doute pas la bonne stratégie mais c’est la sienne et il faut donc aider la victime à agir.
Pour moi les effets concrets de ce Grenelle, c'est avant tout de sauver chaque femme qu'il est possible de sauver. Chaque vie est précieuse
Tout bien considéré, quand peut-on espérer voir ce Grenelle se traduire par une baisse des féminicides ?
Antoine de Saint-Exupéry disait : «Pour ce qui est de l’avenir, il ne s’agit pas de le prévoir mais de le rendre possible».
Pour moi les effets concrets de ce Grenelle, c’est avant tout de sauver chaque femme qu’il est possible de sauver. Chaque vie est précieuse. Aujourd’hui, entre 120 et 150 femmes sont tuées tous les ans.
Je refuse la fatalité et je refuse de rester dans mon coin à me lamenter sur le décompte, tout comme je refuse l’indignation facile sur ce fléau qui existe depuis des siècles et sera long et difficile à enrayer véritablement.
Il faut que nous agissions concrètement, tous ensemble. L’impulsion du Premier ministre en ouverture est en soi un engagement fort.
Samedi 23 novembre prochain, nous serons à Paris pour marcher contre les violences sexistes et sexuelles.
Vous venez ?
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Une marche contre les violences sexistes et sexuelles est d’ores-et-déjà organisée à Paris le 23 novembre. Craignez-vous que cela puisse court-circuiter la fin du Grenelle ?
Cette démarche est au contraire complémentaire. Je soutiens toutes les mobilisations d’où qu’elles viennent à partir du moment où cela permet de mettre la question des violences conjugales à l’agenda. Il ne faut pas se tromper de combat.
Mes ennemis sont les violences conjugales. Pas les associations ou les militantes féministes, ce que je suis moi-même aussi à la base.
On vous prête des ambitions politiques, notamment pour les municipales. Serez-vous toujours là pour faire le bilan, un an après, de ce Grenelle ?
On me prête beaucoup plus d’ambition que je n’en ai moi-même. Je suis concentrée à 100 % sur le Grenelle des violences conjugales et pour moi il est impensable de délaisser ce chantier majeur.
Par ailleurs, je serai à la fin du mois à l’ONU avec le Président pour porter la diplomatie féministe. Et nous venons d’annoncer en marge du G7 une loi importante pour l’émancipation économique des femmes pour 2020.
Après, les décisions de la présence des uns et des autres au gouvernement appartiennent au Président de la République et au Premier ministre et je les respecte.