Impossible de passer à côté. Le 16 octobre 2018, le prix du litre de gazole, alors en forte hausse, commençait à susciter une grogne dans tout le pays.
Ils n’étaient pas encore des gilets jaunes, mais de simples anonymes en colère. Priscillia Ludosky, Jacline Mouraud…Tous sont peu à peu devenus les figures du mouvement, à coups de pétitions virales et de vidéos publiées sur Internet, et notamment sur Facebook. Très vite, l’idée d’une mobilisation nationale le samedi 17 novembre s’est imposée. Avec, comme signe de ralliement, un symbole tout trouvé : le gilet jaune, obligatoire dans tous les véhicules.
Sans leader officiel, officiellement apolitique, ce mouvement spontané, que beaucoup pensaient éphémère, n’imaginait alors pas prendre une telle ampleur.
Une crise historique
Samedi après samedi, les gilets fluo ont fait de leur lutte un rendez-vous inédit sous la Ve République. Usant de modes d’actions atypiques (blocages de péages et de ronds-points, opérations escargots, rassemblements non déclarés...), tant en régions qu’en centres-villes, ils ont pris de court syndicats et autorités, avec des barrages parfois entachés d’accidents mortels.
Des mobilisations qui, en prenant de l’ampleur, ont également mené à des affrontements d’une violence extrême. Les dégradations commises dans l’arc de triomphe, ou les face-à-face tendus entre des manifestants et les forces de l’ordre sur les Champs-Elysées, à Paris, sont encore dans toutes les mémoires. Si les premiers, condamnés à plusieurs reprises, ont été suspectés de s’attaquer aux vitrines et à l’uniforme, les seconds ont été quant à eux accusés de violences policières, débouchant sur un débat brûlant au sujet des lanceurs de balles de défense, les fameux LBD.
Des réponses peu satisfaisantes
Parallèlement, les revendications des gilets jaunes, à l’origine liées à la pression fiscale et au pouvoir d’achat, se sont élargies à d’autres domaines (référendum d’initiative citoyenne, rétablissement de l’ISF, démission d’Emmanuel Macron...). A tel point que, pour calmer le jeu, le chef de l’Etat a, par deux fois, annoncé une série de mesures, chiffrées à 17 milliards d’euros. Mais aussi en organisant, sous la pression, un grand débat national de deux mois, qui a contraint l’exécutif à suspendre ses grandes réformes (retraites, assurance chômage...).
Une réponse qui n’a pas suffi à éteindre l’incendie, le mouvement dénonçant un «enfumage». Ainsi, malgré leur tentative ratée de percer aux européennes, et un soutien populaire en baisse semaine après semaine, les manifestations ont persisté sous diverses formes, jusqu’à aujourd’hui.
Un avenir encore flou
Certains avaient prédit qu’ils ne passeraient pas l’été et ses vacances, mais les gilets jaunes sont toujours actifs. Ils restent mobilisés chaque semaine – l’acte 48 a réuni plusieurs milliers d’entre eux, samedi dernier, à Toulouse –, et poursuivent également leur occupation de certains ronds-points dans les territoires.
En outre, le mouvement pourrait être revigoré par, d’un côté, l’anniversaire du mouvement, et de l’autre, les mobilisations en série des services publics (enseignants, pompiers, soignants...) qui, depuis des mois, réclament plus de moyens. De quoi faire espérer à certains une convergence des luttes qui, jusqu’ici, n’a jamais réussi à faire plier leur adversaire commun.