Avant de se donner la mort le week-end dernier dans son école maternelle à Pantin (Seine-Saint-Denis), Christine R. avait envoyé une lettre à tous les établissements scolaires de sa ville. Une missive de trois pages dans laquelle elle se décrivait comme une «directrice épuisée».
Agée de 58 ans, dont sept ans passés à la tête de l'école maternelle qu'elle dirigeait avant son décès, la fonctionnaire expliquait notamment s'être «réveillée épouvantablement fatiguée, épuisée après seulement trois semaines de rentrée».
Dans ce courrier daté du 21 septembre, soit deux jours avant sa mort, elle indiquait également ressentir «une boule dans la gorge et une envie de pleurer tellement elle est fatiguée».
Une fatigue extrême que Christine R. imputait surtout à un épuisement professionnel et des conditions de travail extrêmement dégradées.
«Les directeurs sont seuls, écrivait-elle. Seuls pour apprécier les situations, seuls pour traiter la situation (...) Tout se passe dans la violence de l'immédiateté. Ils sont particulièrement exposés et on leur demande de plus en plus sans jamais les protéger».
Un événement particulier qui l'a «anéantie»
La directrice évoquait ainsi un quotidien éprouvant. Bien qu'il soit fait de «petits riens», ces derniers «occupent à 200 %» et alimente le «stress des directeurs», décrivait-elle.
Un épisode particulièrement traumatisant semble enfin l'avoir conduit à accomplir son geste fatal. Christine R. parlait ainsi d'un signalement qu'elle aurait dû faire à des parents d'élève : une agression sexuelle d'un enfant de trois ans sur un autre du même âge «alors qu'on est sûr qu'il ne l'a pas fait».
Avec l'accord de sa famille, vous êtes invités à prendre connaissance de la lettre https://t.co/KK6qH8GL8D envoyée par Christine RENON le samedi 21/09, juste avant de se donner la mort sur son lieu de travail.
Hommage ce jeudi 26/09/2019 à 18h devant l'école Méhul de Pantin.— SNALC Créteil (@SNALC_CRETEIL) 25 septembre 2019
«Impossible ! Je ne peux pas le faire, c'est la goutte d'eau qui ce matin m'a anéanti, mais franchement, j'étais déjà très éprouvée», écrivait-elle désespérée.
«Je n'ai pas confiance au soutien et à la protection que devrait nous apporter notre institution. (...) La cellule de crise, quelle blague ! L'idée est de ne pas faire de vague et de sacrifier les naufragés dans la tempête ! Pourvu que la presse ne s'en mêle pas !».
«Dans sa lettre, elle n'évoque que des motifs professionnels», estime Marie-Hélène Plard, la secrétaire départementale du Syndicat national unitaire des instituteurs, professeurs des écoles et PEGC (SNUIpp) en Seine-Saint-Denis, citée par franceinfo.
«Elle détaille tous ces petits riens qui font le quotidien d'une direction d'école et qui sont extrêmement durs à gérer au quotidien. Ils ne sont pas forcément reconnus par l'institution», poursuit la syndicaliste, qui pointe, elle aussi «des charges administratives de plus en plus lourdes, des injonctions parfois contradictoires, qui ne sont pas en phase avec la réalité du terrain».
Un hommage organisé ce jeudi 26 septembre
Interrogée par le Parisien, une collègue de Christine R. indique également «la directrice avait perdu de façon rapprochée ses deux parents», ce qui a ajouté à son mal-être.
Une fois ces courriers déposés, Christine R. s'est jetée d'environ 5 m dans le hall de l'école. Son corps a été découvert lundi matin par un employé avant l'ouverture de l'école aux enfants.
Pour lui rendre hommage, un rassemblement est organisé ce jeudi 26 septembre devant les grilles de l'établissement.
Outre les organisations syndicales, le collectif des stylos rouges, né des réseaux sociaux et qui fédère des milliers d'enseignants en colère, sera également présent.