Et maintenant ? L’incendie de Notre-Dame de Paris et les fuites de ses annonces post-grand débat national dans la presse sont venus contrarier le plan et l'agenda d'Emmanuel Macron, l'obligeant à trouver un nouveau tempo pour calmer la crise sociale et relancer son quinquennat.
«Il faut respecter un temps de recueillement et avoir la responsabilité qui s'impose dans ce moment de grande émotion nationale», a déclaré l'Elysée au lendemain de l'incendie. L'ampleur de l'événement était telle que toute annonce, quelle qu'elle soit, aurait été inaudible des Français. Comme l'explique un ministre au Parisien : «Ce serait cosmique de le faire cette semaine. Toutes les conversations vont tourner autour de Notre-Dame. Personne ne s’intéressera à la désindexation des retraites!»
Emmanuel Macron, qui l'a bien compris, entend même aller plus loin, en faisant de cette «épreuve» un ciment d'unité, voire de trêve sociale. Notre-Dame est même une allégorie de son projet politique : il faut reconstruire la cathédrale comme on doit reconstruire le pays.
Mais l'incendie de Notre-dame peut-il vraiment avoir un effet 'union nationale' au bénéfice du pouvoir ? «L'événement pourrait créer une sorte de réflexe légitimiste, susceptible de relancer un peu la popularité du président. A l'image de François Hollande après les attentats de 2015 – bien que les deux événements ne sont pas comparables», avance Frédéric Dabi, directeur général adjoint de l'Ifop.
L'Elysée au pied du mur
Reste que la publication a priori des annonces – qu'elle ait été voulue ou non par l'Elysée – a cassé la seule dynamique sur laquelle comptait l'exécutif : la surprise. Espéré par l'exécutif, l'effet «waouh» n'a pas eu lieu, le laissant sur la défensive, voire au pied du mur.
Sur la forme, Emmanuel Macron va devoir trouver une autre manière de surprendre. «Pour cela, il pourrait devoir sortir d'autres mesures de son chapeau. C'est possible qu'il n'ait d'ailleurs rien dit à son entourage ni à ses ministres, comme l'annonce des 10 milliards d'euros en décembre dernier», dont seuls ses plus proches conseillers avaient été informés, estime Frédéric Dabi. Sur le fond, le chef de l'Etat peut difficilement changer la teneur de ses annonces, sous peine d'être taxé d'opportunisme.
D'autant que le président, avant même ses annonces officielles, doit faire face au scepticisme des gilets jaunes. Figure du mouvement, Ingrid Levavasseur a publié une lettre sur Facebook adressée au président en guise d'avertissement. «Si vous deviez vous en tenir [aux mesures qui ont fuité], non, vraiment, le compte n'y serait pas et ceux qui, comme nous, gilets jaunes ou non, ont cessé de soutenir les manifestations hebdomadaires, diront haut et fort que vous avez joué à l'illusionniste», écrit-elle.
L'OPPOSITION VENT DEBOUT
Un avis partagé par de nombreux gilets jaunes et par l'opposition en général. «Pour le moment, le compte n'y est pas», a réagi la tête de liste LFI aux européennes, Manon Aubry, évoquant un «rafistolage», tandis que le Premier secrétaire du PS, Olivier Faure, a regretté le manque d'ambition des annonces.
On connaît désormais l’allocution que devait prononcer le PR lundi soir. L’Elysée avait promis de renverser la table. Le président n’a renversé qu’un tabouret.
— Olivier Faure (@faureolivier) 17 avril 2019
De son côté, le porte-parole d'EELV, Julien Bayou, a regretté qu'il n'y ait «pas un mot sur l'écologie, alors que [...] c'est une priorité pour les Français», estimant que le président «tergiverse, tout simplement parce qu'il est sensible aux lobbies». Mêmes piques de la part d'Ian Brossat, tête de liste du PCF au scrutin européen : cette réponse «n'est pas à la hauteur du tout [...] On ne peut pas dire qu'on va sauver nos hôpitaux et écoles et supprimer 120.000 postes de fonctionnaires».
A droite aussi, les réactions sont très critiques. A l'exception de la baisse de l'impôt sur les classes moyennes, qui est «une bonne mesure», «tout le reste» relève «soit du gadget, soit de l'hypocrisie», soit va «accroître l'injustice», a accusé Julien Aubert, député du Vaucluse et secrétaire général adjoint de LR. «Et puis il agite des sujets comme la suppression de l'Ecole nationale d'administration, qui est de la pure démagogie», a-t-il poursuivi.
" Ce n'est pas l'#ENA qu'il faut accuser quand on est mécontent de ses politiques. C'est un culot incroyable, du populisme et de la démagogie de la part de #Macron. On prend les français pour des imbéciles sur cette question" @JulienAubert84 #SudRadioMatin
— Sud Radio (@SudRadio) 17 avril 2019
«Le compte n'est pas bon», a de son côté déploré Julien Sanchez, porte-parole du RN. «C'est un rétropédalage : il rend aux Français ce qu'ils avaient déjà avant que lui-même ne le coupe», en prenant l'exemple de la réindexation des retraites sur l'inflation.»
A charge désormais pour Emmanuel Macron de tenter de donner tort à ses détracteurs, en dévoilant officiellement ses annonces la semaine prochaine, ainsi que quelques surprises. Au risque, sinon, d'enliser encore un peu plus la crise.