Une allocution cruciale. Une semaine après la synthèse du grand débat national délivrée par Matignon, Emmanuel Macron, jusqu’ici très discret, doit dévoiler, dans la soirée de ce lundi 15 avril, une série de mesures chocs destinées à mettre fin à la crise sociale qui dure depuis presque cinq mois.
C’est sous la forme d’une intervention télévisée, à 20 h, qu’il va s’exprimer, afin de toucher le plus grand nombre – et en particulier les gilets jaunes –, avant de donner une conférence de presse mercredi 17 avril. Et, alors que le Premier ministre, Edouard Philippe, a promis des décisions «puissantes et concrètes», le président sait qu’il n’a pas le droit à l’erreur, l’avenir de son quinquennat étant en jeu.
Un exercice d’équilibriste
S’il espère sortir du débat la tête haute, Emmanuel Macron doit prouver qu’il a bien entendu les doléances des Français. C’est dans cette optique qu’il devrait annoncer en priorité un geste pour le pouvoir d’achat, via une réforme de la fiscalité : une baisse de l’impôt sur le revenu, avec de nouvelles tranches pour le rendre plus progressif, et la réindexation des petites retraites sur l’inflation. Si ces mesures sont plébiscitées par l’opinion, les coupes dans les dépenses et les services publics qui devraient en découler le sont, en revanche, beaucoup moins.
Autres concessions envisagées, pour renforcer la démocratie délibérative : une dose de proportionnelle pour les législatives, la prise en compte du vote blanc, ainsi que la suppression des privilèges des anciens présidents et ministres... Le référendum d’initiative citoyenne, lui, ne devrait pas être au menu. Côté environnement, aucune ébauche de décision n’a encore fuité, si ce n’est l’exclusion de tout nouvel impôt pour financer la transition écologique. Enfin, des aménagements à la limitation à 80 km/h, très contestée, seraient envisagés.
Reste que, s’il pourrait concéder quelques mesures, Emmanuel Macron n’entend pas céder sur sa politique pro-business. Surtout à l’heure où des réformes structurelles sont sur la table (assurance chômage, retraites, fonction publique...). Il devrait donc écarter tout retour de l’ISF, jugé peu favorable à l’investissement, la TVA à 0 % sur les produits de base, trop coûteuse pour l’Etat, ou la refonte de la taxation des héritages – des revendications pourtant phares des Français et des gilets jaunes. Avec l’objectif, en filigrane, de réduire la dette et le déficit.
Des projets qui sont «dans la lignée de son programme initial», relève Stéphane Rozès, enseignant à Sciences Po. Et d’ajouter : «Soit Macron se sert du débat pour réformer tout le système fiscal et le rendre plus juste, soit il tente de gagner du temps avec quelques mesures sociales».
Le risque de décevoir
Quoi qu’il en soit, le «risque déceptif» est important, selon les propres termes du Premier ministre. Un aveu peu surprenant, alors que 82 % des Français veulent que le président change sa politique économique et sociale (Ifop).
L’opposition, elle, prédit des mesures «anecdotiques» (RN), fustige un «grand blabla» dont l’exécutif ne retiendrait «que ce qui l’arrange» (PCF), et espère plutôt un «tournant fiscal, social et territorial» (LR). «Sinon, faute de légitimité suffisante, Macron risque de faire face, à chaque réforme qu’il engage, à une paralysie du pays comme en 1995», selon Stéphane Rozès. «Il n’aura pas de seconde chance», résume un ténor de la droite.