Une grande consultation nationale, destinée à répondre à la crise des «gilets jaunes», a été lancée mardi 15 janvier. Le versant politique des concessions de l'État, après les dix milliards d'euros débloqués fin 2018.
Qui l'arbitre ?
L'organisation de cette concertation d'ampleur a d'abord été confiée par le gouvernement à l'ancienne ministre sarkozyste Chantal Jouanno, présidente de la Commission nationale du débat public (CNDP), une autorité indépendante. Mais celle-ci a préféré jeter l'éponge le 8 janvier, face à la polémique grandissante sur son salaire confortable.
Une semaine après ce retrait, Matignon a confirmé que le ministre chargé des Collectivités territoriales Sébastien Lecornu et la secrétaire d'État auprès du ministre de la Transition écologique et solidaire Emmanuelle Wargon seront «chargés de faire vivre le débat et d'en suivre l'évolution».
Un collège de cinq «garants» a également été désigné jeudi 17 janvier. Leur mission est de veiller au bon déroulement et à l'indépendance du grand débat national. Parmi eux, deux personnes ont été choisies par le Premier ministre Edouard Philippe : Jean-Paul Bailly, ex-patron de la RATP et de La Poste, et Isabelle Falque-Pierrotin, présidente de la CNIL.
Le président du Sénat Gérard Larcher (LR) a pour sa part nommé le politologue Pascal Perrineau, celui de l'Assemblée nationale Richard Ferrand (LREM) a nommé l'ancien membre du Conseil constitutionnel Guy Canivet, tandis que Patrick Bernasconi, président du Conseil économique, social et environnemental (Cese) a choisi la secrétaire générale de la Ligue de l'enseignement Nadia Bellaoui.
Les députés La République en marche (LREM) ont quant à eux déjà organisé leur participation au processus : treize élus ont ainsi été désignés «référents nationaux» pour «animer la participation parlementaire sur les territoires», tandis que cinq autres sont chargés des quatre grands thèmes définis par le président. Marie Guévenoux (députée de l'Essonne) et Éric Bothorel (député des Côtes-d'Armor) pilotent ce groupe.
Emmanuel Macron est lui allé directement à la rencontre des maires de France. Il était le 15 janvier au Grand Bourgtheroulde (Eure), et le 18 janvier à Souillac (Lot).
Comment va-t-il se dérouler ?
Jusqu'à mi-mars, des débats publics seront organisés partout en France sous différentes formes, dans les mairies, sur les marchés ou encore les lieux de travail, mais également sur Internet. Tous les citoyens auront la possiblité de poser les thèmes qui leur sont chers sur la table.
«Chacun peut organiser un débat, à l'échelle du quartier, de la commune, de la région, d'une association en s'aidant d'un kit pour la tenue des débats proposé par la CNDP», précise la Commission. Une plateforme en ligne recueillera les contributions au niveau national et des «conférences de citoyens tirés au sort» seront mises en place dans chaque région «pour échanger sur les analyses et les propositions».
Quels en sont les thèmes ?
Le gouvernement en a fixé quatre : «mieux accompagner les Français pour se loger, se déplacer, se chauffer», «rendre notre fiscalité plus juste, plus efficace, plus compétitive», «faire évoluer la pratique de la démocratie» et «rendre l'État et les services publics plus proches des Français et plus efficaces».
L'immigration, d'abord annoncée par Emmanuel Macron comme un thème en soi, a finalement été intégrée au thème «citoyenneté». Si Chantal Jouanno avait précisé qu'«aucun thème ne sera interdit» (y compris par exemple l'abrogation de la loi Taubira sur le mariage pour tous, arrivée en tête d'une consultation en ligne réalisée par le Cese), le porte-parole du gouvernement a ensuite rectifié le tir, en assurant que l'IVG, le mariage gay et la peine de mort ne seront «pas sur la table» du grand débat.
Dans les cahiers de doléances mis à disposition en décembre par 5.000 communes rurales, la préoccupation du pouvoir d'achat est arrivée en tête, devant l'injustice fiscale et la diminution des services publics. Autre demande récurrente, la possibilité d'organiser des référendums d'initiative citoyenne (RIC).
Un cahier de doléances, disponible à la mairie de Cagnes-sur-Mer (Alpes-Maritimes), le 20 décembre © VALERY HACHE / AFP
Sur quoi peut-il déboucher ?
Les avancées devraient a priori être à la marge, car le débat se contentera de recenser les opinions. Sans surprise, Emmanuel Macron a déjà tracé des lignes rouges : pas question de «détricoter» les réformes décidées depuis dix-huit mois, comme la suppression de l'ISF, ni de renoncer aux réformes prévues (retraites, fonctionnaires, minimas sociaux...).
Des élus de la majorité ont, de leur côté, évoqué la tenue d'un référendum à questions multiples sur le vote blanc, la proportionnelle, la réduction du nombre de parlementaires et le cumul des mandats.
Reste que, sans une participation massive des «gilets jaunes», le débat risque de perdre sa légitimité et mourir dans l'œuf. Ses détracteurs, politiques notamment, estiment ainsi que ce débat n'est qu'un «exercice pipeauté», un «monologue», ou encore une «manœuvre» du gouvernement.