Réuni en séminaire ce mercredi 9 janvier, le gouvernement cherche dans l'urgence un ou plusieurs «sages» pour piloter le «grand débat national» sur lequel il compte pour sortir de la crise des gilets jaunes, après le retrait de Chantal Jouanno.
«Ce n'est pas une bonne nouvelle, bien sûr», a reconnu un conseiller de l'exécutif, en commentant l'annonce faite mardi soir par la présidente de la Commission nationale du débat public (CNDP).
Chantal Jouanno a décidé de se «retirer du pilotage de ce débat» en raison de la polémique suscitée par son niveau de salaire (14.666 euros bruts mensuels). Les «conditions de sérénité nécessaires pour ce débat» ne sont pas assurées, a-t-elle justifié.
Poursuite des réformes
La ministre des Solidarités et de la Santé, Agnès Buzyn, a souhaité mercredi matin sur RMC/BFMTV que ce rôle de pilote du «grand débat» soit confié à un «sage», quelqu'un qui ait «l'estime des Français» et «ne soit pas suspecté d'être proche d'un élu ou proche d'un mouvement».
Matignon a indiqué que le gouvernement proposerait un nouveau mode de pilotage du «grand débat» après le séminaire de rentrée qui suit le traditionnel conseil des ministres du mercredi matin.
Le Premier ministre Edouard Philippe doit aussi détailler les priorités gouvernementales pour les prochains mois. Malgré «le contexte difficile», «on reprend la marche en avant» en «montrant qu'on poursuit les réformes: assurance chômage, retraite, fonction publique…», selon un conseiller.
La polémique sur la rémunération de Chantal Jouanno risquait de polluer ce débat déjà très critiqué par une partie des «gilets jaunes» et de l'opposition.
Il doit être formellement lancé en début de semaine prochaine par Emmanuel Macron avec la publication d'une «lettre aux Français» suivie d'un déplacement mardi dans l'Eure, première étape d'une série de visites présidentielles en région.
Chantal Jouanno a assuré que le «grand débat» serait, comme prévu, «opérationnel au 15 janvier».
Cette vaste consultation va être alimentée par les «cahiers de doléances» qui ont été ouverts durant un mois dans au moins 5.000 communes à l'initiative de l'Association des maires ruraux de France (AMRF). Le pouvoir d'achat, «l'injustice fiscale» et la diminution de l'offre de services publics en milieu rural sont arrivés en tête des préoccupations.
Des réserves et des doutes
Le débat va désormais être mené aussi dans les grandes villes, comme Bordeaux, l'un des bastions des manifestations des «gilets jaunes», où le maire Alain Juppé va installer des cahiers de doléances dans les mairies de quartier, selon la municipalité.
Mais d'autres élus locaux devraient être moins actifs puisque l'utilité de ce grand débat est mise en doute aussi bien par le Rassemblement national que par La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon y voyant «un exercice pipeauté».
Interrogée sur France Inter, Chantal Jouanno a réitéré mercredi son désaccord avec des membres du gouvernement, comme Marlène Schiappa ou Benjamin Griveaux, sur le périmètre du débat. Selon elle, «c'est une méconnaissance du débat public que de considérer que les personnes vont ne pas pouvoir porter les sujets qu'elles souhaitent porter sur la table», comme par exemple le mariage pour tous.
Pour le patron des députés Modem, Patrick Mignola, «une partie de l'appareil d'Etat» a «des réserves» sur ce débat car «ce n'est pas naturel pour la haute administration de considérer qu'il faut réinterroger certains fondamentaux au milieu du quinquennat».
L'Elysée a précisé mardi que la question sensible de la suppression de la taxe d'habitation pour les 20% plus riches, déjà annoncée mais pas encore en vigueur, était «sur la table».
«Personne ne comprendrait qu'on ne mette pas ce sujet» en discussion «dans l'item fiscalité» du «grand débat», a déclaré mercredi Sébastien Lecornu, le ministre chargé des collectivités territoriales.
Ce dernier, élu de l'Eure, accueillera mardi Emmanuel Macron pour le premier débat qui se tiendra dans le gymnase de Grand Bourgtheroulde, selon le député LREM Bruno Questel.