Emmanuel Macron a appelé vendredi les Français à se saisir de «la très grande opportunité» que représente le grand débat national, sur lequel il compte pour éteindre la colère des «gilets jaunes», qui se mobilisent de nouveau samedi.
Cette consultation «est un moment essentiel et très utile pour notre pays», a déclaré le président, qui publiera lundi la «lettre aux Français» dans laquelle il expliquera les finalités du débat. «C'est une très grande opportunité. Il faut que chacun la prenne, avec la part de responsabilité, de risque et d'inconnu», a-t-il ajouté en marge de la traditionnelle galette des rois de l'Elysée.
Pour Emmanuel Macron, il est essentiel d'avoir «un vrai débat», dont «les termes et l'aboutissement» ne sont pas déterminés à l'avance.
Il en donnera mardi le coup d'envoi dans la petite commune de Grand Bourgtheroulde (Eure) où il dialoguera avec environ 600 maires et élus de Normandie durant trois heures.
Le président aura fort à faire pour convaincre des Français, jusqu'à présent très sceptiques : 77% d'entre eux pensent que le débat ne sera pas mené «de façon indépendante du pouvoir» et 70% s'attendent à ce qu'il ne soit pas utile pour le pays, selon un sondage paru vendredi.
Les modalités de cette consultation inédite en France doivent être dévoilées lundi par le Premier ministre Edouard Philippe.
Après le retrait de son organisatrice initiale, la Commission nationale du débat public, l'urgence est de trouver des «garants incontestables», qui devront assurer «l'indépendance» et «la neutralité» de la consultation, selon lui.
Edouard Philippe a réuni vendredi à Matignon une grande partie des responsables syndicaux, à l'exception du secrétaire général de la CGT Philippe Martinez et des représentants de Solidaires, qui ont boycotté.
Mais les syndicalistes n'ont reçu «aucune précision» sur l'organisation du débat, a indiqué à la sortie François Hommeril (CFE-CGC). Laurent Berger (CFDT) a pour sa part souhaité que le débat débouche sur un «Grenelle du pouvoir de vivre».
«Risque politique»
L'exécutif a fait de cette consultation sa priorité des premiers mois de l'année, y voyant la porte de sortie de la crise sociale mais aussi la possibilité de reprendre politiquement la main.
L'enjeu est de taille au moment où la défiance vis-à-vis des institutions politiques et des acteurs de la vie démocratique, au premier chef Emmanuel Macron, est au plus haut, selon le baromètre annuel du Cevipof.
Mais, pour le gouvernement, il n'est pas question que «ce débat tourne au grand déballage». Il a donc fixé quatre thèmes de discussion autour du pouvoir d'achat, de la fiscalité, de la démocratie et de l'environnement. Est ainsi exclue toute remise en cause de l'IVG, la peine de mort et le mariage pour tous.
Ces limites sont dénoncées par l'opposition. «Débattre oui! Bien sûr! Mais ce grand débat, on ne sait toujours pas qui l'organise, les sujets sont contraints et le gouvernement annonce avant même qu'il commence qu'il 'radicalisera' sa politique! Il y a mieux en terme de crédibilité...», a tweeté vendredi Marine Le Pen (RN).
Le président de LR Laurent Wauquiez a demandé un débat "ouvert", dont le gouvernement ne doit pas en «verrouill(er) les thèmes».
«Ce qui revient le plus dans la bouche de mes administrés, c'est la question de la justice fiscale avec le rétablissement de l'ISF, le pouvoir d'achat des retraités et les questions de mobilité», a relevé le maire de Grand Bourgtheroulde, Vincent Martin. De crainte de manifestations violentes, «un périmètre de sécurité très large sera mis en place" mardi.
«Ce débat est un risque politique pour le président, à la hauteur de la crise que connaît le pays», souligne son entourage. «La cohésion nationale ne se ramènera pas en un jour (...) Il faut beaucoup de détermination, d'humilité et de patience», a souligné Emmanuel Macron.
D'ici la mi-mars, il a prévu de participer à une dizaine de débats avec les maires des 13 régions, dont le deuxième est prévu le 18 janvier à Souillac (Lot).
Ces déplacements se tiendront sous haute sécurité, car «la période est éruptive», souligne l'Élysée. Ces derniers jours, plusieurs ministres, comme Jean-Michel Blanquer et Sébastien Lecornu, ont été pris à partie avec virulence par des «gilets jaunes».