Un collaborateur d'Emmanuel Macron, Alexandre Benalla, a frappé à plusieurs reprises un homme à terre, lors de la manifestation du 1er mai, à Paris. Retour cette affaire qui embarrasse l’Elysée, et pourrait parasiter le gouvernement sur la durée.
Que s’est-il passé ?
Les faits se sont déroulés en fin de journée, mardi 1er mai, lors d'un rassemblement à l'issue des manifestations de la journée, dans le Quartier latin de Paris. Selon Le Monde, une centaine de personnes étaient alors assises par terre place de la Contrescarpe, pour un «apéro» initié par le Comité d'action inter-lycéen, rejoint par le syndicat étudiant Unef et La France insoumise. Très vite, des CRS arrivent et les choses dégénèrent.
Une vidéo, tournée et diffusée sur les réseaux sociaux ce jour-là, montre un homme muni d'un casque de policier, en train de frapper plusieurs fois un manifestant à terre qui le supplie d’arrêter, sous les yeux des forces de l’ordre.
Quand le militant, qui a filmé cette vidéo, s'approche de l’homme agressif pour mieux filmer son visage, ce dernier quitte rapidement les lieux, craignant d'être identifié.
Entre temps, une seconde vidéo a été diffusée sur Twitter montrant Alexandre Benalla, avec un autre homme, s'en prendre à une jeune femme.
Qui est l’auteur des faits ?
Contacté par Le Monde, Patrick Strzoda, directeur de cabinet du chef de l'Etat, confirme qu'Alexandre Benalla, collaborateur de l'Elysée, adjoint au chef de cabinet de l'Elysée François-Xavier Lauch, et chargé de la sécurité d'Emmanuel Macron pendant la campagne présidentielle, est bien l'auteur de ces violences.
Après avoir été chargé de la sécurité de Martine Aubry puis François Hollande, l’homme avait brièvement travaillé au service d’Arnaud Montebourg, qui l'avait très rapidement remercié. «Je m'en suis séparé au bout d'une semaine après une faute professionnelle d'une première gravité : il avait provoqué un accident de voiture en ma présence et voulait prendre la fuite», a confié l'ancien ministre de l'Economie au Monde.
L’homme avait également évacué de façon assez musclée un journaliste de Public Sénat durant un meeting de Macron, en 2017.
Le directeur de cabinet d'Emmanuel Macron a expliqué au Monde avoir donné l'autorisation à son adjoint de se rendre à la manifestation, mais «en précisant bien qu'il y allait en observateur». La préfecture de police a souligné qu'il n'était «pas rare qu'elle accueille pour de courtes durées» des personnes extérieures. Des casques et des gilets pare-balles leur sont fournis, mais elles «doivent se cantonner à un rôle d'observateur».
Pourquoi l’affaire sort-elle maintenant ?
Le Monde a identifié Alexandre Benalla sur les images, rendant ainsi publique une affaire qui était jusque là restée bien gardée à l’Elysée.
Quelles sanctions sont tombées à l'époque?
Sur le moment, quand l’affaire était encore inconnue, Alexandre Benalla «a été mis à pied pendant 15 jours avec suspension de salaire» et «démis de ses fonctions en matière d'organisation de la sécurité des déplacements du président», a affirmé Bruno Roger-Petit, porte-parole de l'Élysée, jeudi. «Cette sanction vient punir un comportement inacceptable et lui a été notifiée comme un dernier avertissement avant licenciement», a-t-il ajouté. Ces mesures n'avaient donc jusque-là pas été rendues publiques.
Des captures d'écran réalisées par plusieurs médias montrent qu'il était présent au moment du changement de bus des Bleus lors de leur retour de Russie, lundi. A cette occasion, M6 révèle que l'homme aurait eu deux altercations, avec un commandant de gendarmerie sur le tarmac de Roissy et plus tard au Crillon avec un policier.
Selon BFMTV, il était aussi mobilisé pour l'entrée au Panthéon de Simone Veil, début juillet.
Bruno Roger-Petit a également révélé qu'un gendarme réserviste, «Vincent Crase», qui accompagnait Alexandre Benalla, a lui aussi outrepassé sa fonction d'observation dans les mêmes conditions, qu'il a été suspendu 15 jours avant que l'Elysée ne mette fin à toute collaboration avec celui-ci.
QUELLES SANCTIONS aujourd'hui ?
La présidence de la République a annoncé, vendredi 20 juillet, avoir engagé «la procédure de licenciement» d’Alexandre Benalla. Cette décision a été prise après que l'Elysée a pris connaissance de «faits nouveaux» sur le collaborateur et notamment sur la réception d'un document de la préfecture de police qu'il n'était pas autorisé à détenir.
Vendredi, Alexandre Benalla a également été placé en garde à vue vendredi pour violences en réunion par personne chargée d’une mission de service public, usurpation de fonctions, port illégal d’insignes réservés à l’autorité publique et complicité de détournement d’images issues d’un système de vidéoprotection. Quant à Vincent Crase, qui accompagnait Alexandre Benalla lors des manifestations du 1er Mai, il a été lui aussi placé en garde à vue vendredi, pour «violences en réunion par personne chargée d’une mission de service public» et « usurpation de fonction», a indiqué le parquet de Paris.
Par ailleurs, trois policiers ont été suspendus à titre conservatoire pour avoir extrait des images de vidéo-surveillance de la Ville de Paris et les avoir transmises à Alexandre Benalla.
Quelles suites ?
Le parquet de Paris a annoncé l'ouverture d'une enquête préliminaire, confiée à la Brigade de répression de la délinquance contre la personne, pour «violences par personne chargée d'une mission de service public» et «usurpation de fonctions», mais aussi l'«usurpation de signes réservés à l'autorité publique», selon les précisions du parquet.
Outre cette enquête préliminaire, le ministre de l’Intérieur, Gérard Collomb, a annoncé saisir l'Inspection générale de la police nationale (IGPN) pour éclaircir les règles encadrant la présence d'observateurs au sein des forces de l'ordre et déterminer les circonstances dans lesquelles un collaborateur de l'Elysée Alexandre Benalla a pu, sous ce statut, frapper une jeune homme le 1er mai.
«Pour savoir dans quelles conditions ceci s'est passé, j'ai demandé à l'Inspection générale de la police nationale de préciser quelles sont les règles pour l'accueil et l'encadrement de ces observateurs et s'il en existe, de vérifier dans ce cas précis qu'elles ont été mises en œuvre», a déclaré le ministre, devant le Sénat, ajoutant qu’Alexandre Benalla et un deuxième homme, gendarme réserviste et employé de La République en Marche, «n'avaient aucune légitimité pour intervenir» ce 1er mai.
La commission des Lois de l'Assemblée va, pour sa part, demander «à se doter des prérogatives d'une commission d'enquête», a annoncé jeudi soir la présidence de l'Assemblée dans un communiqué.
Une décision prise «sur proposition du président de l'Assemblée nationale et en accord avec les présidents de l'ensemble des groupes politiques» lors d'une réunion convoquée en urgence, après plusieurs heures chaotiques où l'affaire Benalla a parasité les débats sur la révision constitutionnelle, avec des demandes de commission d'enquête émanant de plusieurs groupes.
Enfin, le syndicat de police Vigi a déposé une plainte contre Alexandre Benalla pour «usurpation de fonction» et «usurpation de signes réservés à l'autorité publique», et contre X pour complicité de ces faits, évoquant des membres du cabinet du président de la République, selon son avocat Yassine Bouzrou.
D'autres personnalités éclaboussées ?
Le ministre de l'Intérieur Gérard Collomb s'est dédouané lundi 23 juillet d'une quelconque faute dans la gestion de l'affaire Benalla et s'est défaussé sur le préfet de police Michel Delpuech, qui s'est défendu, et sur le directeur de cabinet d'Emmanuel Macron.
Après Gérard Collomb et Michel Delpuech, la Commission d'enquête de l'Assemblée auditionnera mardi le directeur de cabinet de l'Elysée, Patrick Strzoda, et son homologue de l'Intérieur, Stéphane Fratacci, augurant d'une plongée inédite dans les arcanes du pouvoir.
«C'est un tribunal politique», a dénoncé sur LCI le porte-parole du gouvernement Benjamin Griveaux, mettant en doute la «déontologie» de la Commission d'enquête, en particulier de son co-rapporteur, le député Les Républicains Guillaume Larrivé.