Les agriculteurs ont décidé lundi midi de lever le blocage de la bioraffinerie Total de La Mède, symbole de leur lutte contre l'importation de produits agricoles dont l'huile de palme, utilisée à partir de cet été sur le site, a annoncé le président de la FRSEA des Bouches-du-Rhône.
«Nous n'avons pas obtenu ce que nous voulions, on ne se sent pas aidés, mais les agriculteurs sont fatigués et sont obligés de retourner travailler», a déclaré à l'AFP Jean-Paul Comte.
Ce lundi matin, le gouvernement avait annoncé, via le ministre de l'Agriculture Stéphane Travert, qu'il ne reviendrait pas sur l'accord donnée à Total d'importer de l'huile de palme.
«Le gouvernement ne reviendra pas dessus», avait déclaré M. Travert, en précisant qu'il recevrait mardi la FNSEA et les Jeunes Agriculteurs, initiateurs du mouvement lancé contre l'importation de produits agricoles ne respectant pas selon eux les normes françaises et européennes, dont de l'huile de palme destinée à être utilisée par Total dans sa raffinerie de La Mède (Bouches-du-Rhône).
Le premier syndicat agricole, la FNSEA, et les Jeunes Agriculteurs (JA) a appelé leurs adhérents à occuper au total 14 sites stratégiques durant trois jours reconductibles.
Certains sont déjà prêts à prolonger le blocage comme à Strasbourg, où les agriculteurs ont monté des tentes à l'entrée du dépôt pétrolier du port du Rhin. «On est installé pour la semaine. (...)» a précisé à l'AFP Franck Sander, président de la FDSEA du Bas-Rhin.
«Nous ne sommes pas contre les importations (...) mais nous voulons, pour le consommateur, que le gouvernement soit cohérent et que les importations soient faites à normes égales, sinon l'agriculture française va disparaître», a déclaré à l'AFP Samuel Vandaele, secrétaire général des JA.
Jusqu'à 300.000 tonnes par an d'huile de palme, produit hautement controversé car accusé de favoriser la déforestation en Asie du Sud-Est, doivent en particulier être importées pour alimenter la bioraffinerie Total de La Mède (Bouches-du-Rhône), qui doit démarrer cet été. Alors que l'agriculture française peut fournir davantage d'huile de tournesol ou de colza, mais plus chère.
L'accès à ce site symbolique était bloqué depuis dimanche soir par plusieurs dizaines d'agriculteurs, rassemblés dans le calme, avait constaté sur place un vidéaste de l'AFP.
«C'est la goutte d'huile de palme qui fait déborder la coupe des problèmes des paysans», résumait Pierre Lebaillif, président des JA de Normandie, interrogé par l'AFP. «Pour l'exploitation qui produit du colza, ça peut être à l'avenir des quantités à produire en moins ou des prix qui baissent.»
«Biocarburant : on n'a pas investi pour importer», pouvait-on lire sur les pancartes des agriculteurs à Vatry.
«N’importons pas l’agriculture que nous ne voulons pas !», est le slogan que les agriculteurs en colère rappellent dans leurs tweets.
Pas de pénurie en vue
Le porte-parole de LREM Gabriel Attal a affirmé que l'Etat ne peut pas se dédire de l'accord scellant l'importation d'huile de palme pour La Mède, mais sera «vigilant», notamment sur sa qualité environnementale.
Nécessitant jusqu'à 650.000 tonnes de matières premières par an, cette bioraffinerie utilisera aussi d'autres huiles, dont 50.000 tonnes de «colza français», a promis début juin le PDG de Total, Patrick Pouyanné.
Le mouvement des agriculteurs est observé avec intérêt par les ONG environnementales, d'ordinaire opposées à la FNSEA dans les dossiers phytosanitaires.
Les paysans espèrent aussi le soutien des consommateurs, en dénonçant les effets sur le contenu des assiettes d'accords commerciaux internationaux, comme le CETA signé avec le Canada et l'accord UE-Mercosur en cours de négociation.
Les agriculteurs demandent la réintroduction dans la loi Alimentation, examinée à partir du 26 juin au Sénat, d'un amendement sur l'interdiction d'importer toute denrée produite en utilisant des substances phytosanitaires interdites dans l'Union européenne.
Ils souhaitent aussi que le gouvernement renonce à son contingent d'importation d'huile de palme, et réclament un allègement du coût du travail salarié de saisonniers.
Une pénurie de carburant n'est toutefois pas à craindre dans l'immédiat, la France comptant au total sept raffineries en activité ainsi que 200 dépôts de carburant. De plus, l'Etat dispose de stocks stratégiques pour trois mois.
Depuis dimanche soir, les raffineries Total de Feyzin près de Lyon, de Gonfreville-l'Orcher près du Havre et de Grandpuits (Seine-et-Marne) sont bloqués par des agriculteurs comme les dépôts pétroliers du port rhodanien Edouard Herriot, du port du Rhin, ainsi que ceux de Vatry (Marne), de Lespinasse près de Toulouse et de Cournon dans le Puy-de-Dôme.
Ils avaient également prévu d'empêcher d'ici lundi matin l'accès aux dépôts de Dunkerque (Nord), Grigny (Essonne), Coignières (Yvelines), Gennevilliers (Hauts-de-Seine) ainsi qu'à une autre raffinerie Total à Donges (Loire-Atlantique).