Le gouvernement a tenté lundi de mettre l'accent sur l'«intégration» des étrangers à deux jours de la présentation du projet de loi sur l'asile et l'immigration, critiqué par les associations et au sein même de la majorité.
«La France a une longue et belle tradition d'accueil» mais «n'est pas toujours à la hauteur de cette tradition», a regretté le Premier ministre Edouard Philippe à Lyon, où il recevait un rapport du député LREM Aurélien Taché préconisant une meilleure intégration des étrangers. Le gouvernement «reprendra les grands axes des propositions» de ce rapport qui plaide notamment pour un doublement des heures de français et un meilleur accompagnement vers l'emploi et le logement, a ajouté Edouard Philippe, notamment accompagné du ministre de l'Intérieur Gérard Collomb.
A Lyon, où il a rencontré des réfugiés, le Premier ministre a également tenu à défendre le projet de loi sur l'asile et l'immigration, qui sera dévoilé mercredi en conseil des ministres et qui est déjà durement attaqué pour sa logique «répressive». Ce texte est «solide et équilibré», a assuré M. Philippe, défendant la nécessité «d'assurer la reconduite des étrangers qui n'ont pas obtenu» le droit au séjour.
Ce «projet de loi pour une immigration maîtrisée et un droit d'asile effectif» vise à réduire à six mois les délais d'instruction de la demande d'asile et à faciliter la reconduite à la frontière pour les déboutés. «Le problème principal tient à notre législation, qui par rapport aux législations européennes est beaucoup plus favorable», avait estimé en janvier Gérard Collomb.
La réforme du système d'asile a déjà fait l'objet d'une loi en juillet 2015, mais s'est trouvé sous-calibré face aux arrivées depuis 2015 (il y a eu 100.000 demandes d'asile l'an dernier). Mesure-phare du texte pour faciliter les expulsions, le doublement de la durée maximale de rétention à 90 jours (voire 135 en cas d'obstruction) est vigoureusement dénoncé par les associations. «La durée de rétention influe très peu sur les mesures exécutées», assure David Rohi de la Cimade, association d'aide aux étrangers, qui demande le retrait du texte.
Mais d'autres mesures sont aussi critiquées, notamment celles qui, au nom de la réduction des délais d'instruction, restreignent les possibilités de recours. «Ces mesures concourent en réalité à dissuader les demandes considérées a priori comme dilatoires», estime le Gisti ("Groupe d'information et de soutien des immigré.e.s")
A l'inverse, Les Républicains (LR) se disent «très inquiets du laxisme du gouvernement face au défi migratoire», en déplorant l'absence d'outils pour «dissuader les clandestins». L'immigration «va s'accélérer avec le projet de loi du gouvernement», a pour sa part déclaré la chef de file de l'extrême droite Marine Le Pen.
«Équilibre»
La loi arrivera dans un climat tendu, où les esprits sont déjà échauffés par la «circulaire Collomb» sur le recensement des migrants dans l'hébergement d'urgence, sur laquelle le Conseil d'Etat, saisi en urgence par les associations, doit rendre son avis d'ici à la fin de la semaine. Signe de leur inquiétude, plusieurs acteurs de l'asile pourraient être en grève mercredi, notamment à l'Ofpra (Office français de protection des réfugiés et apatrides) et à la Cour nationale du droit d'asile (CNDA).
Dans un contexte de grogne croissante, le gouvernement a déjà renoncé à la notion de "pays tiers sûr" (un pays de transit où les demandeurs auraient pu être renvoyés). Mais l'inquiétude, d'abord cantonnée aux défenseurs des étrangers, a depuis gagné les milieux intellectuels et jusqu'aux proches d'Emmanuel Macron, alors que certains députés En Marche s'interrogent sur la logique répressive du texte.
Une proposition de loi sur la rétention des «migrants dublinés» (des demandeurs d'asile enregistrés ailleurs en Europe) votée jeudi a fait office de «tour de chauffe», avec des vifs débats dans la majorité. En dépit d'une «pédagogie intensive» depuis plusieurs semaines, Gérard Collomb, qui s'exprimera mercredi à nouveau devant les députés LREM-MoDem, est loin d'avoir convaincu tous les parlementaires.
Certains à l'Assemblée, où siègent de nombreux avocats, voudraient notamment peser sur la réduction des délais de recours ou l'extension des audiences menées par visioconférence. La majorité, qui va essayer de résoudre en amont ces divergences, compte trouver in fine un «équilibre».