Le 45e festival de la BD d'Angoulême (sud-ouest de la France) s'ouvre jeudi avec un programme éclectique, du manga japonais à la nouvelle bande dessinée arabe, mais également la dénonciation de la «précarité grandissante» des auteurs.
Dans une tribune signée par un «Collectif artistes auteurs» et diffusée sur les réseaux sociaux, plus de 400 auteurs dont Lewis Trondheim, Pénélope Bagieu ou encore Guillaume Bouzard (qui préside cette année le jury qui remettra samedi le Fauve d'or du meilleur album BD de l'année) ont dénoncé «la précarité croissante» des auteurs de BD.
C'est un paradoxe du monde l'édition. L'an dernier, 43 millions d'albums de BD ont été vendus générant un chiffre d'affaires de 500 millions d'euros. Le livre le plus vendu en 2017 est un album de BD : «Astérix et la transitalique».
Or, 53% des auteurs de bande dessinée ont un revenu inférieur au Smic dont 36% qui vivent sous le seuil de pauvreté.
La pétition des auteurs de BD réclame «une réflexion de fond, globale, avec tous les acteurs du livre (...) pour penser notre statut, notre protection sociale, et nos rémunérations».
«Beaucoup d'auteurs sont dans une situation économiquement difficile», reconnaît le ministère de la Culture qui concède également que «les politiques publiques ont manqué d'une nouvelle ambition» pour le secteur de la BD.
Mission pour la BD
La ministre Françoise Nyssen est attendue jeudi à Angoulême. Elle va confier une mission de réflexion sur la politique nationale en faveur de la bande dessinée à Pierre Lungheretti, le directeur général de la Cité internationale de la BD et ancien directeur de cabinet de Frédéric Mitterrand quand il était rue de Valois.
Lungheretti doit présenter des propositions en septembre, a indiqué le ministère à l'AFP. Parmi les objectifs de la mission qui sera menée en concertation avec l'ensemble des acteurs concernés, figure «l'enrayement de la précarisation» des auteurs.
Le calendrier prévoit la présentation d'un «plan d’action» lors de l'édition 2019 du festival. D'ici là, le festival entend dérouler son programme.
Mercredi soir, le Grand prix du festival a été décerné à l'Américain Richard Corben, un des maîtres de la BD fantastique underground, pour l'ensemble de son œuvre.
Âgé de 77 ans, Richard Corben est connu pour ses histoires d'horreur et de science-fiction parues dans les années 1970 dans des «comics books» comme Creepy ou Vampirella. Il a été l'un des auteurs vedettes du magazine Métal Hurlant aux côtés de dessinateurs comme Philippe Druillet ou Moebius.
Mais la vedette du festival devrait bien être le mangaka (auteur de mangas) Naoki Urasawa, star adulée au Japon. Auteur de «Monster», «20th Century Boys» ou encore «Pluto» (du nom du dieu des enfers romains et pas du compagnon canin de Mickey!), Naoki Urasawa, 58 ans, qui se revendique de l'école de Moebius, organisera samedi matin une «masterclass» (payante) où il dessinera en direct en faisant partager au public certains de ses secrets. Une grande rétrospective qui se déplacera ensuite à Paris, lui est consacrée à Angoulême.
Cap sur le Japon
L'édition 2018 d'Angoulême a choisi de mettre résolument le cap sur le Japon et on attend aussi le mangaka Hiro Mashima, l’un des grands noms des mangas pour la jeunesse (appelés shônen), auteur notamment de «Fairy Tail» (63 tomes publiés!).
Le succès du manga ne se dément pas en France. Selon une étude de l'institut GfK, le manga représente 35% du volume des ventes de BD.
Outre le manga, le Festival a prévu de rendre hommage au Suisse Cosey (lauréat du Grand prix l'an dernier) ainsi qu'à Jacques Martin (1921-2010), le créateur d'Alix, qui fête ses 70 ans en 2018. La Cité internationale de la bande dessinée et de l'image proposera par ailleurs une exposition sur la nouvelle génération des bédéistes du monde arabe avec plus de 40 auteurs.
Le Genevois Zep, vient quant à lui fêter les 25 ans de Titeuf, le garnement le plus attachant de la BD.