Alors que deux jihadistes du 13 Novembre logeaient dans son squat, Jawad Bendaoud passait un soirée «sans aucun stress» chez lui. Il s'est défendu jeudi, extrêmement nerveux et confus, devant le tribunal à Paris d'avoir su qu'il hébergeait ces hommes recherchés dans toute la France.
«Personne ne m'a mis au courant que j'hébergeais des terroristes», a répété le prévenu de 31 ans, jugé pour «recel de malfaiteurs terroristes». «Sur la tête de mon fils, je ne savais pas que c'était des terroristes», a dit Jawad Bendaoud. Et d'ajouter : «J'aime trop la vie. J'aime trop les femmes, j'aime trop mon fils».
Propos décousus
Avec un débit ultra-rapide, et tenant des propos très décousus, Jawad Bendaoud a tenté de reconstituer ces jours précédant le 18 novembre, quand le Raid a pris d'assaut l'appartement qu'il s'était approprié à Saint-Denis, au nord de Paris.
Les deux jihadistes, dont le cerveau présumé des attaques, Abdelhamid Abaaoud, sont morts dans cet assaut, ainsi qu'Hasna Aïtboulahcen, qui leur avait trouvé la planque par l'intermédiaire de Mohamed Soumah, également jugé pour «recel de malfaiteurs terroristes». Celle-ci aurait dit à Jawad Bendaoud qu'elle cherchait un logement pour son frère.
L'interrogatoire s'est déroulé dans une atmosphère tendue, le prévenu interrompant sans cesse la présidente de la 16e chambre du tribunal correctionnel, Isabelle Prévost-Desprez. «Madame, vous ne m'impressionnez pas», a-t-il même osé, face à une juge d'une patience extrême.
Jawad Bendaoud était vêtu d'un gilet zippé rouge du PSG, le même, dit-il, que celui qu'il portait quand il a rencontré Abdelhamid Abaaoud, le 17 novembre 2015 au soir. Il a raconté cette rencontre, qui a duré, selon lui, six ou sept minutes.
- Il demande au jihadiste : «Ça va mon pote ?», après lui avoir serré la main.
- Abdelhamid Abaaoud répond : «Je me suis pris la tête avec la mère de mes enfants. J'ai passé trois jours de fils de pute. Je veux faire la prière, me laver et dormir».
- Jawad Bendaoud l'interroge : «Tu viens d'où ?»
- «Je viens de Belgique», répond Abdelhamid Abaaoud, qui lui demande la direction de La Mecque.
- «Franchement je ne fais pas la prière, frère», aurait dit Jawad Bendaoud.
«A aucun moment je me dis que le mec est en cavale»
«Comment j'ai pu être assez con pour ne pas capter ?», demande le prévenu au tribunal. «J'étais défoncé Madame». Le 17, le prévenu raconte avoir pris de la cocaïne puis fumé du cannabis. «A aucun moment je me dis que le mec est en cavale», affirme-t-il. Il confiera tout de même à sa compagne : «Ils sont "chelou". Ils veulent juste faire la prière et dormir».
Il affirme aussi que son complice Mohamed Soumah ne connaissait pas le profil de ces hommes. «Madame, Mohamed Soumah qui me ramène des terroristes, c'est comme si je vous disais Joey Starr a rejoint Daesh !», lâche-t-il.
Jawad Bendaoud affirme ne pas avoir reconnu Abdelhamid Abaaoud, dont le portrait était pourtant partout. Il pensait que tous les jihadistes étaient morts le 13 novembre. En accueillant ces hommes, il voulait «rendre service», gagner de l'argent. Les jihadistes devaient payer 150 euros pour quatre nuits dans le squat.
Son ADN a été retrouvé sur le scotch ayant servi à fabriquer une ceinture explosive, mais les jihadistes se sont servis d'un rouleau qui se trouvait dans le squat et que Jawad Bendaoud a pu utiliser plus tôt. Aucun contenu jihadiste n'a été retrouvé dans les ordinateurs et téléphones expertisés, a dit la présidente.
«Je n'ai pas saisi la gravité de l'affaire dans laquelle j'étais impliqué. La première fois que j'entends parler du Bataclan, c'est dans ma cellule en prison». Il devra répondre vendredi aux questions des parties civiles et du parquet. Jawad Bendaoud, délinquant multirécidiviste, encourt six ans de prison.