«Quel monde voulons-nous pour demain?» Pour répondre à cette question, des sujets brûlants comme la PMA, la fin de vie ou l'intelligence artificielle seront débattus ces prochains mois dans le cadre des Etats généraux de la bioéthique, lancés jeudi.
Ces débats, qui dureront jusqu'à l'été, doivent nourrir la prochaine loi bioéthique, attendue au Parlement à l'automne pour réviser celle de 2011.
Le programme est très large, avec neuf thèmes sociétaux ou dictés par les progrès de la science : la procréation (PMA et GPA), la fin de vie, les recherches dans le domaine de la reproduction (cellules souches, etc.), la génétique, le don d'organes, les données de santé, l'intelligence artificielle, les neurosciences et le rapport santé/environnement.
«Nous avons décidé de laisser ces Etats généraux assez largement ouverts: c'est une occasion unique de discuter une fois tous les sept ans», explique à l'AFP Jean-François Delfraissy, président du Comité consultatif national d'éthique (CCNE), qui pilote cette vaste concertation.
Elle aboutira à un rapport de synthèse et s'appuiera sur plusieurs outils.
Parmi eux, une consultation en ligne via un site lancé fin janvier, des conférences-débats dans toutes les régions ou un «comité citoyen», panel d'une vingtaine de personnes représentatif de la population, qui produira son propre rapport.
En outre, le CCNE mènera une série d'auditions avec des associations ou des représentants des autorités religieuses.
Evolution de l'opinion
Ces dernières pourront faire valoir leur position sur certains sujets polémiques, au premier rang desquels l'ouverture de la procréation médicalement assistée (PMA, ou AMP) aux femmes célibataires et aux couples de femmes.
Le CCNE a ouvert la voie en se prononçant en juin pour cette ouverture, à laquelle est favorable Emmanuel Macron.
Selon un récent sondage Ifop paru dans La Croix, six Français sur dix sont favorables à la PMA pour les couples de femmes. Ils étaient un peu moins d'un quart en 1990. Presque autant sont pour que les femmes célibataires en bénéficient.
Ce même sondage montre que près de deux-tiers des Français sont aussi favorables au recours à une «mère porteuse» ou GPA (gestation pour autrui), pratique interdite en France et à laquelle n'est pas favorable le président Macron.
18% y sont favorables «dans tous les cas» et 46% «pour des raisons médicales seulement», c'est-à-dire pas pour les couples d'homosexuels.
Un collectif de 110 personnalités, dont les intellectuels Pierre Rosanvallon et Élisabeth Badinter, vient de réclamer un «débat de fond» sur la GPA, dans une tribune publiée par Le Monde.
Les discussions sur la PMA et la GPA seront l'occasion pour la Manif pour tous, aujourd'hui affaiblie, de remonter au créneau cinq ans après les manifestations contre le mariage d'homosexuels.
«Intelligence collective»
Autre sujet abordé, la fin de vie, qui n'est actuellement pas incluse dans la loi de bioéthique (avec une loi séparée en janvier 2016). Le suicide assisté est récemment revenu dans l'actualité avec l'euthanasie en Belgique, à sa demande, de la romancière Anne Bert.
«Ces Etats généraux sont une entreprise difficile. Il faut arriver à faire réfléchir la société civile sur des sujets sociétaux qui sont loin d'être consensuels. C'est un effort d'intelligence collective», commente Jean-François Delfraissy.
«Il ne faut pas rester uniquement sur la PMA, la GPA ou la fin de vie, poursuit-il. Il y a par exemple des enjeux majeurs sur la génomique ou la médecine de l'embryon. J'aimerais que le débat citoyen les fasse émerger aussi».
En plus de son rapport de synthèse, le CCNE émettra un avis sur les priorités qui pourraient figurer dans la loi.
Les première lois de bioéthique datent de 1994. Une première révision avait eu lieu en 2004, avant celle de 2011. La phase de débats sera close début juillet.
Ensuite, selon une note du ministère de la Santé datant de novembre, un projet de loi sera finalisé «à l'été 2018» pour un dépôt au Parlement «à l'automne» en vue d'une adoption d'une nouvelle loi bioéthique «dans le courant du premier semestre 2019».