Des personnalités de La France insoumise lancent ce lundi une chaîne de télévision baptisée «Le Média» et diffusée sur Youtube Live.
En juillet, La République en marche avait également annoncé son intention de «se constituer comme un média». Le sociologue Philippe Riutort analyse les ressorts de l'entrée des politiques dans le monde journalistique.
Pourquoi les structures politiques créent-elles leur propre média ?
Le but est évidemment pour des professionnels de la politique de faire de la communication sans passer par des journalistes. Ils n’ont plus besoin d’attendre qu’on leur donne la parole, ils la prennent. Ils bénéficient des innovations technologiques pour s’adresser directement aux électeurs, avec relativement peu de moyens matériels et d’infrastructures. L’idée est aussi d’atteindre des publics qui ne sont pas les plus férus de politique, comme les jeunes, par exemple. Créer une chaîne Youtube ou un média permet enfin de jouer sur son image, d’apparaître comme moderne.
Est-ce inédit pour des personnalités politiques de créer leur média ?
Si nous réfléchissons à des parallèles historiques, nous nous rendons compte que sous la IIIème République, une bonne partie des élus, de Jean Jaurès à Alexandre Millerand, maîtrisaient les codes du journalisme et avaient des responsabilités dans la presse. Certains étaient propriétaire du titre ou simplement éditorialiste. Le journal était le canal d’expression de la politique. Le «bon» journaliste politique devait être un journaliste engagé. Ce qui n’est pas le modèle le plus en vogue aujourd’hui.
Comment un tel média peut réussir à être pris au sérieux ?
La première critique que ce type d’organe médiatique ou politique va recevoir est évidemment d’être accusé de propagande. On imagine bien que nous n’aurons par exemple pas un discours très critique sur La France insoumise dans son média. Pour que cela n’apparaisse pas comme de la propagande, il faut être professionnel sur la forme et sur le fond. Le média doit apparaître dans «l’air du temps» pour attirer les téléspectateurs jeunes visés qui sont des consommateurs exigeants, habitués à jongler entre différents produits à la demande.
Assiste-t-on à une remise en question du modèle journalistique traditionnel ?
Je ne pense pas, au sens où il y a très peu de chance qu’hormis les militants un grand nombre de personnes se branchent sur le canal de la France insoumise ou de la République en marche pour savoir ce qu’il se passe dans le monde. Ce canal sera intéressant pour des gens curieux ou qui hésitent à rejoindre la formation. On ne s’informera évidemment pas seulement par lui.