Philippe Labro est écrivain, cinéaste et journaliste. Chaque vendredi, pour CNEWS Matin, il commente ce qu'il a vu, vécu et observé pendant la semaine. Un bloc-notes subjectif et libre.
LUNDI 27 NOVEMBRE
Une journée pour et par les femmes. Ce n’est pas la première, ni la dernière. Le remaniement du gouvernement fait émerger une nouvelle figure, inconnue du grand public, qui devient secrétaire d’Etat à Bercy. Elle s’appelle Delphine Gény-Stephann, elle a 49 ans, elle a fait Polytechnique et présente un profil idéal, puisqu’elle a autant œuvré dans le privé que dans la fonction publique. «Surprise», écrivent certains commentateurs. Mais, non, ce n’est plus une surprise que de voir des femmes à des postes à responsabilité. Cela fait partie du début de ce que j’appellerais «l’ère Macron». Visages et noms nouveaux partout, priorité à l’expérience sur le terrain, souvent vécue par des femmes. Ce n’est certes pas encore la fin du «plafond de verre», mais on sent comme un vent souffler, le vent de la féminité.
Le soir même, toujours ce lundi, cinq femmes prennent le pouvoir sur Canal+, grâce aux trois premiers épisodes de la série Paris, etc. Elles sont plus de cinq : il y a, bien sûr, les comédiennes, mais la série, réalisée par Zabou Breitman, est coécrite par deux autres femmes, Anne Berest et Maïwenn.
Toutes ont mis leur talent au service d’un projet en apparence simple, mais en réalité difficile : montrer ce qu’est, aujourd’hui, la vie de quelques femmes dans cette ville qui peut être stressante et dure, le Paris contemporain. J’ai été conquis par ces premiers chapitres, le rythme (un montage astucieux), l’humour (dialogues vifs et vrais), la capacité de nous faire vite entrer dans les univers parallèles de ces femmes aux prises avec enfants, maris, amants, carrières chaotiques, les difficultés d’adaptation à l’incessante cascade de problèmes et de questions qui se posent à une médecin, une masseuse, une stagiaire dans un grand hôtel, une traductrice, une mère qui retrouve ses enfants abandonnés des années plus tôt.
C’est vécu, senti, parfois très cru, souvent hilarant. Si vous vouliez du mièvre, du sirupeux, passez votre chemin. D’innombrables femmes d’aujourd’hui, se battant pour survivre à Paris, pourront sans doute se reconnaître dans la jeune provinciale, blonde, innocente, ahurie par la capitale qu’elle découvre : Lou Roy-Lecollinet. Il y a Naidra Ayadi, emportée, frustrée, belle dans sa colère face aux mauvais payeurs, Anaïs Demoustier, qui ne sait plus comment se situer par rapport à son amant, Zabou Breitman, qui se met en scène, avec sa fausse sérénité, les secrets de son passé… Zabou, intelligente et séductrice.
Et enfin, éblouissante comme souvent, Valeria Bruni Tedeschi, pour laquelle tout est «compliqué», et qui incarne un caractère singulier avec charme et crédibilité. Autre qualité : l’excellente musique originale, signée Benjamin Biolay, Keren Ann et Alexis Rault. Les hommes, dans tout cela ? Ils sont… des hommes, vus par des femmes. Menteurs, naïfs, solidaires, amoureux, infidèles, occupés, trop occupés… Ils ont des rôles évidemment secondaires, mais sans leur présence, sans, aussi, celle des enfants, les récits et les séquences ne pourraient pas tenir.
JEUDI 30 NOVEMBRE
Le magazine Time a été vendu aux Etats-Unis à un groupe de presse inconnu. Que va devenir ce titre, longtemps connu comme le meilleur du monde ? Je l’ignore, mais s’ils ont déjà décidé du choix de leur «Man of the Year», (l’homme de l’année), l’une de leurs grandes traditions, il me semble que ce doit être une femme. Anonyme. La femme dont la parole s’est enfin libérée, et dont la libération remet en question une certaine forme de pouvoir masculin.