Philippe Labro est écrivain, cinéaste et journaliste. Chaque vendredi, pour CNEWS Matin, il commente ce qu'il a vu, vécu et observé pendant la semaine. Un bloc-notes subjectif et libre.
MERCREDI 22 NOVEMBRE
A ce jour, aux Etats-Unis, près de soixante personnalités du monde de la communication, du cinéma, bien sûr, mais aussi de la télévision, des affaires et de la politique, sont tombées sous le coup d’accusations de harcèlement sexuel. Un correspondant m’écrit : – Que serait-il arrivé à Kennedy si cette cascade d’aveux et d’attaques avait eu lieu pendant sa présidence ? Ce à quoi je réponds : – C’eût été un minidésastre pour le très volage président.
Mais l’époque a totalement changé. Les médias aussi. La transparence n’existait pas. L’omerta, respectée par les responsables de la presse écrite (en particulier, le Washington Post, avec, à sa tête, un ami de JFK, le célèbre et talentueux Ben Bradlee), empêchait toute rumeur d’être imprimée. Et JFK, dans son inconsciente nature, ne semblait guère préoccupé par cette inépuisable série de dérapages adultérins – le pire étant sa liaison avec une prostituée liée au monde du crime, Judith Campbell.
A-t-on trouvé une trace de ces comportements dans les nouvelles archives rendues publiques, il y a près d’un mois sur décision de Trump, afin de respecter un décret exigeant que l’on dévoile tout ce qu’il restait à dévoiler ? Non, on n’a rien trouvé, en tout cas, pas grand-chose. C’était attendu avec impatience et curiosité par tous ceux que l’assassinat de JFK, à Dallas, fascine – mais ils sont, sans doute, déçus.
Si ces nouvelles archives n’ont pas encore été entièrement décryptées, elles démontrent ce que nous savions déjà : l’incompétence, la maladresse, le manque d’attention de la CIA comme du FBI. Aucun de leurs agents n’a su tirer la sonnette d’alarme sur l’existence d’un personnage hautement suspect, qui se baladait au Mexique, s’agitant pour retourner à Cuba, un certain Lee Harvey Oswald, qu’on aurait dû mieux suivre.
J’en reparle aujourd’hui, parce que nous sommes le 22 novembre, et c’est le 54e anniversaire de ce jour fatal. Pas une ligne dans la presse américaine, trop occupée par les scandales actuels. J’étais sur place, à Dallas, dès le lendemain matin du 22 novembre 1963 et, par conséquent, j’ai parfois eu la sensation que cette histoire était un peu la mienne. Aussi, n’ai-je pas été surpris par le manque de révélations des nouvelles archives. J’aurais bien aimé que quelque chose en ressorte. Comme disait Norman Mailer : «Ça nous aurait bien arrangés qu’il y ait eu un complot.» Mais, à ce jour, et jusqu’à preuve du contraire, rien, sinon des faits, souvent contestés, certes, mais, selon moi, suffisamment concrets et recoupés pour appuyer la thèse (ma thèse !) du «lone gunman» – le tireur solitaire. Il reste encore quelque 17 000 documents inédits. Qui sait ?
JEUDI 23 NOVEMBRE
Des statistiques récentes démontrent que le livre se porte bien en France et a su résister aux attaques des liseuses, en particulier la fameuse Kindle, si pratique pour télécharger des œuvres. Le marché du livre reste stable face à l’e-book. Les libraires se battent. Il faut toujours rendre hommage à Jack Lang et à sa décision du prix unique du livre.
J’en reçois chaque semaine. En voici quelques-uns : Le parrain et le rabbin, un récit de Sam Bernett paru au Cherche Midi, extraordinaire histoire du projet de sauvetage de jeunes juifs grâce à la mafia italienne. Et puis deux pavés : le dictionnaire des 1 001 citations dont il faut s’inspirer dans la vie, paru chez Flammarion, qui voisine avec le Bouquin des mots savoureux, cocasses et polissons, de Daniel Lacotte (éditions Robert Laffont). Le premier fait 960 pages. Le Lacotte en compte 992. Ils me font penser à une phrase de Lewis Carroll : «Quel soulagement d’avoir un dictionnaire !»