Faute de places, il faut parfois des mois pour appliquer une décision de justice retirant un mineur en danger à ses parents, les services de protection de l'enfance peinant à renouveler leur vivier de familles d'accueil.
Educatrice spécialisée, Marie (le prénom a été changé à sa demande) travaille pour une association mandatée par un département rural. Récemment, un juge des enfants a ordonné le placement d'une fratrie qu'elle suivait. "Tous les voyants étaient au rouge", précise-t-elle, évoquant malnutrition, déscolarisation et suspicion de maltraitances.
Il a pourtant fallu trois mois pour que tous les mineurs rejoignent une famille d'accueil. Pendant ce temps, Marie a composé avec la crainte qu'un "drame" se produise, se répétant qu'elle avait fait "tout ce qui était en son pouvoir". Ces délais sont loin d'étonner des magistrats contactés par l'AFP.
"Sauf situation gravissime, c'est malheureusement le lot commun de la protection de l'enfance aujourd'hui en France", constate l'ancien président du tribunal pour enfants de Bobigny Jean-Pierre Rosenczveig.
Ancienne juge des enfants et secrétaire nationale du Syndicat de la magistrature, Anaïs Vrain se souvient qu'une de ses ordonnances de placement a mis huit mois avant d'être exécutée. Il était pourtant "urgent d'offrir une prise en charge" à l'adolescent concerné, qui s'enfonçait dans la drogue et la délinquance.
"L'exécution des placements est extrêmement ralentie dans de nombreux départements, le dispositif est saturé depuis longtemps", affirme-t-elle. "Cela implique que le danger persiste" pour l'enfant, et "l'institution va le récupérer encore plus cabossé".
L'Assemblée des départements de France (ADF), collectivités chargées de la protection de l'enfance, assure toutefois qu'"on trouve toujours des solutions, au besoin provisoires, quand il s'agit de placements en urgence".