L'Assemblée nationale a voté vendredi soir, par 112 voix contre 45, la suppression de la réserve parlementaire.
Il s'agit de l'une des mesures emblématiques des projets de loi pour la confiance dans la vie politique, après une longue bataille de députés de gauche et droite.
Après plus de cinq heures de débats passionnés, les députés ont voté l'article 9 du texte organique faisant disparaître cette réserve d'environ 130 millions d'euros, allouée aux députés et sénateurs pour des subventions aux collectivités ou associations et souvent critiquée comme une pratique clientéliste.
29 élus se sont abstenus. La France Insoumise, la Nouvelle Gauche ou les communistes ont opté pour l'abstention.
«Tous les députés REM sont fiers d'être des députés de terrain qui veulent renouveler les pratiques», a affirmé Paula Forteza. Si 97 députés REM ont effectivement soutenu cette mesure, 5 se sont abstenus, dont l'ancienne secrétaire d'Etat Barbara Pompili, et un a voté contre, Lénaïck Adam (Guyane).
Du côté du MoDem, il y a eu 15 pour et une contre, Maud Petit. «Si vous croyez que notre rôle est de distribuer 130.000 euros par an et que c'est à ça qu'on va juger notre travail, vous faites une erreur», a lancé le président du groupe, Marc Fesneau. Chez les Constructifs, dix députés ont voté contre, Pierre-Yves Bournazel s'abstenant. «C'est une faute politique et ce sera un sparadrap» pour la majorité, selon Philippe Vigier.
Contre aussi 29 LR, dont Philippe Gosselin, qui a dénoncé «un renoncement à ce qui fait l'essence même du parlementaire, représenter la nation, voter la loi, la contrôler, évaluer l'action du gouvernement mais être aussi élu d'un territoire». Trois FN ont aussi rejeté cet article.
Un amendement de REM provoque la confusion
Face aux multiples critiques, la ministre de la Justice Nicole Belloubet a évoqué les reproches faits au système actuel, ne croyant pas "que l'ancrage local repose seulement sur une assise financière", en présence du secrétaire d'Etat aux Relations avec le Parlement Christophe Castaner.
Pour les «bénéficiaires des fonds transitant par la réserve», le gouvernement trouvera « les solutions adaptées d'ici le projet de loi de finances », a-t-elle promis.
Peu avant le vote de cet article, un amendement du groupe REM a cependant provoqué confusion et colère. Il prévoyait un rapport annuel gouvernemental sur « les modalités selon lesquelles les fonds anciennement affectés à la réserve parlementaire ont été employés, en tenant compte des besoins qui auront pu être identifiés par les parlementaires et transmis au gouvernement, de manière transparente, pour soutenir les projets des collectivités locales et associations».
Clientélisme à l'ancienne
Les oppositions y ont vu un «tour de passe-passe» pour «réinventer» une réserve mais à la discrétion du gouvernement. Le chef de file LR Christian Jacob a tonné contre une «hyperconcentration par l'exécutif attribuant (des fonds) à qui il a envie», et du «clientélisme à l'ancienne», suscitant des applaudissements d'Insoumis. Même le MoDem s'y est opposé.
Après avoir confirmé «des discussions internes au groupe REM» dont il ressortait «des préoccupations», Laetitia Avia a fait valoir que l'amendement avait pour but d'assurer que les collectivités et associations bénéficiant actuellement de fonds de la réserve ne soient «pas lésées».
La ministre a garanti qu'il ne s'agissait nullement d' «une reconstitution de la réserve» et a accusé les critiques de «mauvaise foi», mais elle a concédé «peut-être une maladresse dans l'écriture». L'amendement a fini par être retiré après un léger flottement.
Initialement favorable à la suppression de la réserve, proposition de LFI, Jean-Luc Mélenchon a fait part peu après d'une «abstention sidérée»