La procédure des ordonnances, à laquelle le gouvernement va recourir pour réformer le code du travail, est assez courante et permet à l'exécutif d'éviter de longs débats, mais reste mal vue des parlementaires dont le rôle en est amoindri.
L'article 38
Le recours aux ordonnances est prévu par l'article 38 de la Constitution de 1958. Le Parlement vote d'abord une loi d'habilitation, qui précise sur quels sujets et pendant quelle période le gouvernement peut prendre des ordonnances. Celles-ci sont adoptées en Conseil des ministres, après avis (consultatif) du Conseil d'Etat, et signées par le président de la République. En 1986, durant la première cohabitation, François Mitterrand avait refusé de signer les ordonnances de son Premier ministre Jacques Chirac, prévoyant la privatisation de 65 groupes industriels. Ce dernier l'avait alors accusé de «s'opposer à la volonté des Français».
Ratification par le Parlement
Une ordonnance entre en vigueur dès sa publication au Journal officiel, mais elle doit être ensuite ratifiée par le Parlement, faute de quoi la loi devient caduque. Le Parlement est donc obligatoirement consulté au début et à la fin de la procédure, mais est de fait écarté des débats sur le contenu de la loi ce que nombre de députés déplorent.
Promesse de campagne
L'usage des ordonnances pour cette réforme est une promesse de campagne d'Emmanuel Macron, qui a évolué sur le sujet puisqu'il déclarait encore le 25 novembre 2016 : «Je ne crois pas une seule seconde aux cent jours et à la réforme par ordonnances». Mais en avril 2017, il justifiait ce recours pour modifier «dès l'été» plusieurs points du droit du travail, y voyant le moyen «d'accélérer les débats», de «simplifier le droit du travail et décentraliser la négociation». Le Conseil des ministres doit donc adopter mercredi la loi d'habilitation à légiférer par ordonnances sur le code du travail.
De nombreux précédents
La plupart des gouvernements de la Ve République ont eu recours aux ordonnances, à commencer par le général de Gaulle et son Premier ministre Michel Debré en 1960 pour maintenir l'ordre en Algérie. En 1982, Pierre Mauroy (PS) s'en est servi pour instituer les 39 heures, la 5e semaine de congés payés et la retraite à 60 ans, puis l'année d'après pour entériner le plan signant le tournant de la rigueur.
En août 1993, durant la deuxième cohabitation, Edouard Balladur a utilisé cette procédure pour réformer les retraites. Alain Juppé (RPR) l'a utilisée en 1996 pour sa réforme très contestée de la Sécurité sociale, tout comme Dominique de Villepin pour son «plan d'urgence» pour l'emploi en 2005.
Plus récemment, Nicolas Sarkozy et François Hollande ont tous deux recouru aux ordonnances. «Entre 2004 et 2013 (10 années), 357 ordonnances ont été publiées sur le fondement de l'article 38, soit 2,3 fois plus que le nombre d'ordonnances publiées entre 1984 et 2003 (20 années)», note un rapport du Sénat. Nombre d'ordonnances servent aussi à transposer des directives européennes.