Les Français devraient donner une écrasante majorité au président Emmanuel Macron dimanche lors du second tour des législatives, lui offrant malgré une forte abstention toute latitude pour lancer ses réformes face à une opposition laminée.
Vague ou raz-de-marée ? Seule l'ampleur de la victoire du parti présidentiel la République en Marche (REM) fait encore question. Il devrait emporter 400 à 470 sièges de députés sur 577, selon les sondages, soit l'une des majorités les plus importantes de la Ve République, née en 1958.
Avec seulement 222 députés sortants au second tour, et 40% de candidates, c'est aussi une Assemblée nationale profondément renouvelée, féminisée, qui sortira des urnes. Plus de 47 millions d'électeurs sont appelés à voter pour ce scrutin où le niveau d'abstention - qui avait atteint 51,3% au premier tour, un record - sera observé de près.
Sur l'île antillaise de la Guadeloupe, où le vote s'est tenu dès samedi en raison du décalage horaire, la participation était en légère hausse par rapport au 11 juin. Jeanne, 60 ans, est ainsi venue voter «par devoir» tout en regrettant que cette élection soit «jouée d'avance».
En métropole, les bureaux de vote ouverts à 06H00 GMT le resteront jusqu'à 16H00 GMT, voire 18H00 GMT dans les grandes villes.
Inconnu il y a encore trois ans, élu à 39 ans face à des poids-lourds de la politique, le plus jeune président qu'ait connu la France se voit donc en passe de gagner son dernier pari : obtenir une large majorité à l'Assemblée nationale (chambre basse du Parlement) lui permettant de lancer ses réformes libérales-sociales. Avec trois priorités annoncées : moraliser la vie politique, réformer le droit du travail et renforcer l'arsenal de lutte contre le terrorisme.
«Recherche opposition désespérément»
Au premier tour, le mouvement créé par Emmanuel Macron il y a tout juste un an avait rassemblé 32,3% des suffrages exprimés, balayant les partis traditionnels de droite et de gauche qui structurent la vie politique française depuis des décennies.
Loin derrière, le parti de droite Les Républicains avait obtenu 21,5%, la gauche radicale 13,7%, l'extrême droite 13,2% et le Parti socialiste 9,5%. Autant dire une opposition réduite à la portion congrue, en raison du système majoritaire français.
«Recherche opposition désespérément» titrait samedi le quotidien Le Parisien, résumant l'inquiétude face à cette assemblée largement monocolore.
«Si l'opposition n'existe pas» à l'Assemblée, «où donc existera-t-elle ?», s'interrogeait Le Figaro, en ajoutant : «dans un pays comme la France il faut craindre que ce ne soit dans la rue».
Face à la vague Macron, la droite ne peut espérer que 60 à 132 sièges, contre plus de 200 actuellement, selon les projections. Quant au Parti socialiste, qui contrôlait la moitié de l'Assemblée sortante sous le quinquennat de François Hollande, il ne pourra sans doute compter que sur quelques dizaines d'élus.
De leur côté, l'extrême droite et la gauche radicale, qui se rêvaient chacune en chef de file de l'opposition, n'ont pas réussi à réitérer leurs bons scores à la présidentielle.
Défaite par Emmanuel Macron, la cheffe du Front national Marine Le Pen est donnée favorite dans son fief nordiste d'Hénin-Beaumont, mais elle pourrait se retrouver quasiment la seule élue d'extrême droite à l'Assemblée.
La France insoumise de Jean-Luc Mélenchon et le Parti communiste espèrent quant à eux obtenir un nombre de députés suffisant (15) pour constituer un groupe parlementaire.
Le grand chamboulement est assuré, avec parmi les nouveaux députés de très nombreux novices en politique, puisque environ la moitié des candidats REM, issus de la société civile, n'ont jamais été élus.
«On a tiré contre tout ce qui représentait un système antérieur et on essaie autre chose», résume le constitutionnaliste Didier Maus.
Pour lui, le scrutin devrait déboucher sur «le plus grand renouvellement du personnel politique depuis 1958 et peut-être 1945».