A l'heure de la clôture des candidatures pour les législatives, Emmanuel Macron a fait un choix pragmatique pour bâtir sa majorité présidentielle: ménager quelques ténors de droite et de gauche et des alliés centristes, auxquels La République en Marche n'opposera aucun adversaire.
Pendant plusieurs mois, Emmanuel Macron et sa garde rapprochée ont clamé que La République en marche serait en mesure de présenter des candidats dans chacune des 577 circonscriptions, à peine un an après la formation du mouvement du nouveau chef de l'Etat. Cette posture à priori inflexible s'est finalement heurtée à la réalité : 51 circonscriptions ont été laissées libres, dont une trentaine afin d'accomplir un «geste politique», dixit une source du parti, en direction d'élus qui pourraient être coopératifs à l'Assemblée nationale.
Est-ce un aveu d'impuissance du nouveau chef de l'Etat, conscient qu'il lui faudra transiger avec des députés de droite et de gauche pour obtenir une majorité à l'Assemblée nationale ? Ou un simple principe de précaution ? «Sans le dire, il a intégré ce qui allait se passer», à savoir la formation d'une coalition, regroupant un bataillon de députés La République en marche, et des groupes d'appui venant de la gauche et de la droite, prédit un ténor du PS.
D'anciens ministres épargnés
Emmanuel Macron «se constitue une forme de majorité plastique», renchérit le sénateur socialiste Luc Carvounas, qui interprète «les trous dans la raquette» comme «une forme de gage ou de remerciement invisible à ceux qui ont été incolores pendant la campagne de Benoît Hamon».
Plusieurs membres du gouvernement sortant n'auront ainsi aucun candidat de La République en marche à affronter, dans le sillage du traitement de faveur accordé à l'ancien Premier ministre Manuel Valls (Essonne). C'est le cas de Marisol Touraine (Indre-et-Loire), Stéphane Le Foll (Sarthe), Myriam El Khomri (Paris), George Pau-Langevin (Paris) ou encore Ericka Bareigts (La Réunion).
«Le modèle allemand, cette culture du compromis démocrate socialiste, cette culture de coalition, c'est dans cela que je m'inscris», glisse à l'AFP Mme El Khomri, dont l'affiche de campagne portera le slogan «avec Emmanuel Macron construisons une majorité de progrès», et le logo du PS.
En tout, avec les radicaux de gauche Sylvia Pinel (Tarn-et-Garonne) et Joël Giraud (Hautes-Alpes), et l'écologiste Eric Alauzet (Doubs), M. Macron a tendu la main à une douzaine de candidats de gauche.
Même attitude envers une petite vingtaine de candidats Les Républicains et UDI qui «serviront de supplétifs» à l'Assemblée pour voter les lois, selon un parlementaire LR. «Macron s'aperçoit qu'il a un allié très encombrant, Bayrou. Donc il entend se prémunir de quelques aléas. S'il n'a pas de majorité absolue, un complément MoDem serait incontrôlable», estime cet élu LR, en soulignant ainsi la nécessité pour le chef de l'Etat de s'assurer d'autres alliés.
«Macron envoie un soutien aux députés qui ont montré qu'ils seraient dans une opposition constructive, ne feraient pas d'obstruction systématique à l'Assemblée et auraient la capacité de voter certains projets», commente un autre élu LR qui ne veut «pas empêcher la réussite du quinquennat Macron».
Le champ libre à droite aussi
Parmi les circonscriptions où la droite a donc le champ libre, on retrouve logiquement celle de Bruno Le Maire (Eure), le nouveau ministre de l'Economie, désinvesti par LR après sa nomination au gouvernement. Plusieurs de ses proches sont protégés dans l'Eure-et-Loir, le Bas-Rhin ou le Morbihan.
Candidats, Thierry Solère (Hauts-de-Seine) et Franck Riester (Seine-et-Marne) auront les coudées franches. Et si le Premier ministre Edouard Philippe (Seine-Maritime) mais aussi Xavier Bertrand (Aisne), Christian Estrosi (Alpes-Maritimes), Hervé Mariton (Drôme), Hervé Gaymard (Savoie), Benoist Apparu (Marne) ou Arnaud Robinet (Marne) ne se présentent pas directement, leurs successeurs dans leurs circonscriptions n'auront pas d'adversaire La République en marche.
A l'UDI, Yves Jégo (Seine-et-Marne) et Philippe Folliot (Tarn) ont aussi été ménagés. Ce dernier s'est même inscrit en préfecture sous l'étiquette La République en marche sans en avoir eu l'investiture, a-t-il indiqué à l'AFP.
Enfin, un autre appoint précieux pourrait venir des Outre-mer, où dix-sept circonscriptions n'ont pas été pourvues. Le parti de M. Macron espère nouer des accords avec des formations locales mieux implantées pour glaner quelques voix supplémentaires à l'Assemblée.